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Le Xinjiang, les Ouïghours, Maxime Vivas et les Fake News




Publié par Pierre-Marie Meunier le 7 Mars 2022

Maxime Vivas est l’auteur d’un ouvrage devenu apparemment incontournable pour qui s’intéresse à l’action de la Chine au Xinjiang vis-à-vis de la communauté ouïghoure : "Ouïghours, pour en finir avec les fake news". Sorti en décembre 2020, l’ouvrage est devenu en peu de temps une référence centrale des débats, souvent houleux, entre partisans et détracteurs de la Chine. Entre hagiographie d’un côté et attaques ad hominem, voire ad personam, de l’autre, aucun des deux camps ne semble avoir réellement pris le temps de lire et discuter l’ouvrage de Maxime Vivas. Il n’est pas trop tard pour passer à l’analyse ad rem.



Régulièrement attaqué sur ses positions prochinoises, ou considérées comme telles, Maxime Vivas est considéré de fait comme étant à l’avant-garde francophone des défenseurs de la Chine sur la question du Xinjiang. L’auteur revendique cette position au nom, principalement, de l’instrumentalisation de la question ouïghoure par les États-Unis, comme levier d’influence contre la Chine. Selon Maxime Vivas, tout élément allant dans le sens d’une persécution ou de simples atteintes aux libertés serait pure désinformation de l’administration américaine, sachant en outre que la situation sécuritaire au Xinjiang (attaques terroristes) justifierait certaines restrictions des libertés publiques. Le tout ne serait donc que méprise, sur fond de manipulation de l’information : la Chine appliquerait certes une politique sécuritaire stricte, mais qui, vue de l’Occident moralisateur à travers le prisme américain, prendrait l’allure d’une répression ou d’un génocide.
 
Les chiffres de vente de l’ouvrage de Maxime Vivas (quelques centaines d’exemplaires [1] laisseraient supposer une diffusion restreinte, au sein des réseaux de Maxime Vivas principalement. Pourtant la notoriété de l’ouvrage lui a permis de faire parler de lui jusqu’en Chine [2], pays, il est vrai, concerné au premier chef par son contenu. L’ouvrage a ainsi été cité le 07 mars 2021 par le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, lors d’une conférence de presse en pleine Assemblée nationale populaire [3]. L’ouvrage a dès lors perdu sa dimension relativement confidentielle pour devenir une pièce maitresse des thèses chinoises sur la situation réelle des Ouïghours au Xinjiang. En janvier 2022 sortait d’ailleurs le premier commentaire de l’ouvrage en anglais [4], sachant que l’ouvrage n’est pour l’instant disponible qu’en Français.
 
Depuis son « appropriation » par le PCC, l’ouvrage tient lieu « d’argument-massue » opposable à tous ceux qui s’aventurent sur le « terrain Ouïghours » : la vérité y serait, car l’auteur est allé sur place, lui. Toutes les accusations portées à l’encontre de la Chine par ceux qui n’ont pas lu l’ouvrage ou ne sont pas rendus sur place seraient dès lors des « fake news ».
 
Or, dans l’immense majorité des cas, ceux qui mentionnent l’ouvrage ne font pas usage des arguments qu’il contient, mais se contentent de renvoyer leurs détracteurs à sa lecture, usage classique de l’argument dit d’autorité. Encore faut-il que l’ouvrage considéré fasse bien autorité sur la question. Dans la guerre informationnelle qui se joue actuellement entre la Chine et l’Occident au sujet des Ouïghours, il est impératif de déterminer ce qui relève de l’investigation journalistique et ce qui ressort de la désinformation ou de la simple posture idéologique, raison pour laquelle l’ouvrage de Maxime Vivas mérite d’être étudié de près, afin de savoir dans quelle catégorie situer tout ou parties de l’ouvrage. 
 
En effet, s’il ne fait guère de doute que les États-Unis ont saisi l’opportunité de gêner la Chine aux entournures que la question des droits de l’homme et des libertés fondamentales au Xinjiang, la portée du livre de Maxime Vivas va plus loin : sans que cela soit dit explicitement, et sans que l’auteur en soit peut-être lui-même conscient, son ouvrage est désormais utilisé pour décrédibiliser toutes informations problématiques sur la situation des Ouïghours au Xinjiang : dans une logique « trumpienne » du traitement de l’information, toute actualité relayée par les médias mainstream occidentaux sur le Xinjiang relève donc désormais de la « fake news ». À l’appui de cette posture, le livre de Maxime Vivas prouverait, selon ses défenseurs, l’existence d’une « fabrique du faux » prenant racine aux États-Unis. Ses détracteurs, de l’IFRI à la FRS, en passant par Conspiracy Watch et l’IRSEM, dénoncent à l’inverse un auteur instrumentalisé par la Chine, à l’origine d’un ouvrage devenu élément de propagande idéologique. Son principe serait celui du doute systématique utilisé comme arme de déstabilisation et de désinformation.
 
Comme le souligne un auteur sur le site Le Grand Soir [5] (site d’information administré en partie par Maxime Vivas et classé par la communauté Wikipédia comme « militant » et « peu fiable » [6] : « les attaques ad hominem masquent l’inexistence de la critique du contenu des livres ». Selon l’auteur de ce texte, partant du fait que personne n’ose ou ne peut attaquer son livre sur le fond, les détracteurs de la Chine s’en prendraient donc à la personne de Maxime Vivas. Selon une idée dont la logique peut sembler discutable, ces attaques personnelles seraient même la preuve que l’ouvrage dit vrai.
 
La présente analyse va donc s’attacher à décortiquer l’ouvrage de Maxime Vivas sur les Ouïghours pour comprendre si les thèses qui y sont développées sont bien recevables, au regard des arguments utilisés à cette fin. Il s’agit en quelque sorte de prendre Maxime Vivas au mot d’une expression qu’il semble affectionner : « pour monter au mât, il vaut mieux avoir le derrière propre  ».



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