Le GIGN aborde par hélicoptère le ferry de la SNCM, le Pascal Paoli détourné par des syndicalistes corses de la STC en 2005 (crédit Wikimedia.org)
Le GIGN intervient à un rythme extrêmement soutenu. Comment les hommes du groupement parviennent-ils à gérer des pics de stress à intervalles aussi rapprochés, dans la durée ?
Le GIGN intervient en effet globalement une fois par semaine. Selon les rythmes d’alerte, les astreintes, les emplois du temps de formation et d’instruction, cela représente généralement pour chaque personnel une opération tous les 15 jours au minimum. Ce rythme d’intervention est ponctué par des phases de relâche et d’entrainement à la caserne, mais dans un cadre très peu formel, sans hiérarchie, discipline ou organisation pesante. Par exemple, il y a peu d’horaires, il y a surtout des rendez-vous sur objectifs. Chacun est très autonome pour gérer son emploi du temps et décompresser : Tous doivent pouvoir mener des activités dérivatives, à côté de ses obligations professionnelles. Celui qui s’enferme dans une relation passionnelle ou fusionnelle avec son travail risque d’accumuler du stress. Selon les résistances de chacun, les conséquences de ce cumul se feront sentir plus ou moins rapidement, mais elles seront certainement néfastes. Celui qui ne parvient pas à trouver d’activités dérivatives ne durera pas.
Les activités dérivatives sont une nécessité : il faut que l’esprit puisse s’échapper de cette pression du quotidien professionnel. En interne, le groupement accorde une place très importante à l’humour et à la dérision. Il tolère très facilement le fait de simplement lâcher prise avec le quotidien. Les activités dérivatives constituent certes un réflexe naturel, mais ce besoin a été intégré de manière structurelle : pour certains ce sera le sport, pour d’autres la famille, pour d’autres encore ce seront des hobbies divers. Mais cette « soupape de décompression »est devenue un rituel quasi-institutionnalisé. Chacun a son petit truc qui lui permet d’évacuer le stress et chacun doit pouvoir s’en servir.
Les activités dérivatives sont une nécessité : il faut que l’esprit puisse s’échapper de cette pression du quotidien professionnel. En interne, le groupement accorde une place très importante à l’humour et à la dérision. Il tolère très facilement le fait de simplement lâcher prise avec le quotidien. Les activités dérivatives constituent certes un réflexe naturel, mais ce besoin a été intégré de manière structurelle : pour certains ce sera le sport, pour d’autres la famille, pour d’autres encore ce seront des hobbies divers. Mais cette « soupape de décompression »est devenue un rituel quasi-institutionnalisé. Chacun a son petit truc qui lui permet d’évacuer le stress et chacun doit pouvoir s’en servir.
Vous avez perdu un homme sous votre commandement (20/01/2007, Gensac). Comment s’adresse-t-on à ses hommes, et comment dépasse-t-on le « traumatisme » collectif dans ces situations ?
Ce type d’évènements dramatiques impose naturellement deux choses. La première est de montrer de l’affectif, parce que nous sommes forcément touchés. Il est impossible et impensable de ne pas réagir humainement à la perte de l’un des siens. La contrepartie de notre cohésion et de notre fraternité d’armes est que nous constituons une véritable famille, qui ressent très durement et douloureusement la perte d’un de ses membres. Nous vivons en permanence les uns avec les autres alors il est normal qu’il y ait de véritables liens affectifs entre nous.
La deuxième chose à rappeler, c’est que le sacrifice fait partie de l’engagement. Chacun l’a accepté et ce type d’événements est malheureusement l’occasion pour chacun de s’en souvenir. C’est ce qui fait la valeur et la profondeur de l’engagement dans des unités spéciales comme le GIGN : nous sommes prêts à mettre notre vie dans la balance. La mort d’un homme en intervention ne doit pas être vécue comme un dysfonctionnement ou une anomalie du système mais comme une réalité de la vie dans ce type d’unités. Malgré le fait que ce soit extrêmement difficile à vivre, malgré la peine ou l’incompréhension par rapport à ce qui a pu se passer, il faut rappeler que cela arrive et que cela fait malheureusement partie de l’engagement pour lequel nous avons tous signé. Il convient aussi de dire, même si c’est délicat, qu’une unité professionnelle comme le GIGN doit savoir dépasser cette épreuve et rester prête à intervenir en toutes circonstances. Cela correspond à la fois au devoir et à la morale de ce type d’unité.
Enfin, et ce n’est pas anecdotique, je tiens à insister sur le fait qu’une unité militaire ne pleure pas ses morts, elle les honore. Nous pleurons nos morts individuellement au fond de nous-mêmes ; mais collectivement, nous les honorons. Chacun doit prendre sur soi pour faire d’un décès en opérations quelque chose de grand et d’honorable. Nos morts en opérations ne sont pas des victimes mais des héros, selon une acception qui est devenue un peu étrangère à nos sociétés. Nous arrivons pour la plupart à avoir de belles vies, mais certains d’entre nous arrivent aussi à avoir une belle mort. C’est tout le sens du cérémonial militaire, qui honore les morts au combat et permet de dépasser collectivement la peine que nous avons de voir partir l’un des notre. Je conçois que cela soit difficile à appréhender pour une personne étrangère au monde militaire.
Lire la suite de l'entretien sur Carnets du Business
La deuxième chose à rappeler, c’est que le sacrifice fait partie de l’engagement. Chacun l’a accepté et ce type d’événements est malheureusement l’occasion pour chacun de s’en souvenir. C’est ce qui fait la valeur et la profondeur de l’engagement dans des unités spéciales comme le GIGN : nous sommes prêts à mettre notre vie dans la balance. La mort d’un homme en intervention ne doit pas être vécue comme un dysfonctionnement ou une anomalie du système mais comme une réalité de la vie dans ce type d’unités. Malgré le fait que ce soit extrêmement difficile à vivre, malgré la peine ou l’incompréhension par rapport à ce qui a pu se passer, il faut rappeler que cela arrive et que cela fait malheureusement partie de l’engagement pour lequel nous avons tous signé. Il convient aussi de dire, même si c’est délicat, qu’une unité professionnelle comme le GIGN doit savoir dépasser cette épreuve et rester prête à intervenir en toutes circonstances. Cela correspond à la fois au devoir et à la morale de ce type d’unité.
Enfin, et ce n’est pas anecdotique, je tiens à insister sur le fait qu’une unité militaire ne pleure pas ses morts, elle les honore. Nous pleurons nos morts individuellement au fond de nous-mêmes ; mais collectivement, nous les honorons. Chacun doit prendre sur soi pour faire d’un décès en opérations quelque chose de grand et d’honorable. Nos morts en opérations ne sont pas des victimes mais des héros, selon une acception qui est devenue un peu étrangère à nos sociétés. Nous arrivons pour la plupart à avoir de belles vies, mais certains d’entre nous arrivent aussi à avoir une belle mort. C’est tout le sens du cérémonial militaire, qui honore les morts au combat et permet de dépasser collectivement la peine que nous avons de voir partir l’un des notre. Je conçois que cela soit difficile à appréhender pour une personne étrangère au monde militaire.
Lire la suite de l'entretien sur Carnets du Business