Les promoteurs immobiliers les plus talentueux font souvent preuve d’audace, de créativité et d’un sens relationnel aigu. Car ils exercent un métier non seulement complexe, en raison de la diversité des compétences requises, mais qui les expose aussi à des risques ou à des retards particulièrement lourds à porter dans la durée, y compris les recours abusifs qui paralysent une bonne partie des constructions de logements. Petit florilège de ces tempéraments forgés dans l’adversité.
Promoteurs d’hier : tout feu, tout flamme
En 1995, Michel Pelège, « Le promoteur sauvé des ruines » (1), renaissait de ses cendres après la crise immobilière du début des années 90… et la sombre histoire du Crédit Lyonnais — au sujet de laquelle il disait « Dieu reconnaîtra les siens ». Juin 2017, rebelote. Michel Pelège, le « revenant » (2), organise une conférence de presse pour présenter les activités de sa société. Administrateur de biens, puis acquéreur d’un réseau d’agences immobilières bien ancrées dans le créneau « prestige », il ajoute au tableau une petite série de sociétés qui permettent au groupe de faire, dit-il, « tous les métiers de l’immobilier ». Un groupe qui a réalisé 18,8 millions d’honoraires en 2016 et emploie 169 collaborateurs. Une ténacité à toute épreuve.
Olivier Mitterrand dirige les Nouveaux Constructeurs depuis 1972. Racontant les effets dévastateurs de la crise de 2008 — à laquelle il n’a pas mieux résisté que ses concurrents de taille comparable, il confiait : « Dans ces moments-là, toute l’attention est tournée vers le président. Il faut faire face et se montrer encore plus serein que d’habitude ». Il avoue : « C’est la création architecturale qui m’intéresse. La rigueur de la conception, la recherche de la qualité tout en rationalisant les coûts » (3). Et l’architecte Michel Macary, qui collabore avec lui depuis 1986, d’ajouter à son sujet : « Quand on lui parle de proportions, il comprend […] Il regarde un bâtiment comme on regarde un tableau ». Un solitaire.
Dans un livre en forme de plaidoyer (4), Christian Pellerin, celui dont on dit qu’il sauva La Défense dans les années 80 et 90, reconnaît un de ses traits : « J’ai peut-être beaucoup d’ego, mais je pense que l’on a droit à un peu d’ego quand on a construit la moitié de la Défense ». Il a eu la richesse et la réussite, avant de connaître la ruine et vingt ans de poursuites judiciaires. Ses peines purgées et blanchi par une série de non-lieux, il se souvient : « Depuis 1978, l’Epad n’assurait plus son rôle d’aménageur. Nous avons pris les choses en main, quasiment en sous-traitance, en nous cachant. On a réussi ». Ne dit-on pas que le culot paie ?
Promoteurs d’aujourd’hui : le risque maîtrisé
Sefri-Cime, créé en 1953 par Jean-Claude Aaron, le promoteur qui a livré en 1974 la tour Maine-Montparnasse à Paris, est dirigé depuis 1979 par Claude Cagol. Belle longévité, à l’image d’un groupe qui se dit soucieux de la pérennité de chacune de ses réalisations et de l’environnement dans lequel elle s’insère. Il se voit comme « constructeur de prototypes » (5). La construction vue comme un art.
« Certains de nos salariés nous demandent de réfléchir à notre positionnement sur l’habitat très social. Nous devons là trouver un modèle économique, qui consistera a minima à ne pas perdre d’argent », déclare Alain Dinin, PDG depuis 2004 de Nexity, le leader français qui emploie plus de 6 000 personnes (6). Il n’aurait peut-être pas pu rester à ce poste sans se montrer consensuel. Une prudence de banquier ?
Marc Villand est président du groupe Interconstruction, groupe de promotion immobilière très actif en région parisienne, et par ailleurs président de la FPI Île-de-France. Marc Villand a le goût du risque, car, promoteur indépendant, il y est confronté en permanence. Mais il sait le prévenir : « La promotion immobilière est pour moi un défi humain qui consiste à gérer un risque multiforme. Un risque au bout du compte financier, mais qui résulte de risques politiques, commerciaux et techniques… qu’il ne faut surtout pas cumuler pour s’en sortir » (7). Amoureux des jardins et des livres, il veut avec Gilles Imbert, directeur général du groupe Interconstruction, « Cultiver l’art de la ville » (8).
Emmanuel Launiau est aujourd’hui le président du Directoire d’Ogic, groupe qu’il a remis sur les rails en tant que jeune directeur général à partir de 2012 : « J’ai beaucoup pratiqué la voile. Comme en bateau, je ne pratique pas les coups de barre mais des réglages fins » (8). Il affiche un goût marqué pour l’innovation, anticipant les nouveaux usages en matière d’habitat qui mêlent désormais le digital et l’écologie. Récompense emblématique, il reçoit le « prix promoteur de l’année » aux Trophées Logement et territoires 2016 pour le premier immeuble Nudge (9). Son secret managérial ? « Le dirigeant est comme un jongleur chinois qui place des assiettes sur une tige ». De la délicatesse.
« De toute façon, ma seule passion, c'est mon entreprise », lâche Alain Taravella, patron d’Altaréa Cogedim (10). Il surprend tout le monde en 2011 lorsqu’il lança une OPA sur RueDuCommerce. Bien lui en a pris de marier ainsi le virtuel et le béton : « Cette opération est une intuition », disait-il alors. Un homme de synergie.
« J’ai toujours voulu que notre métier soit un vecteur de la diffusion de l’art en identifiant des couples parfaits, espace et œuvre, investisseur et artiste, l’œuvre faisant ainsi partie de l’immeuble dès sa livraison », clame Christian Terrassoux PDG de Pitch Promotion, groupe immobilier de près de 250 collaborateurs et un volume d’affaires annuel de plus de 300 millions d’euros (11). Il fut aussi président de la chambre d’Île-de-France de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) avant de passer le relais à Marc Villand, président du groupe Interconstruction. Amateur d’art, lui aussi.
« Ma mère m’avait pourtant élevé avec l’idée qu’il y avait deux branches professionnelles à surtout ne pas emprunter : l’immobilier et l’assurance », dit Laurent Dumas, président du groupe Emerige (12). En 2010, il crée la Villa Emerige, lieu d’exposition d’art contemporain. Il est l’initiateur en décembre 2015 de la charte "un immeuble, une œuvre ». En juin 2018, il est nommé président du conseil d’administration du Palais de Tokyo. De l’art de bâtir à l’amour de l’art, il n’y aurait décidément qu’un pas ?
A tout le moins, l’art n’est jamais loin. La plus grande vertu d’un promoteur, dit-on souvent, est celle d’un chef d’orchestre : il doit savoir bien s’entourer. Non seulement d’hommes de qualité, mais aussi d’œuvres durables.
(1) http://www.liberation.fr/futurs/1995/05/15/michel-pelege-le-promoteur-sauve-des-ruines_133251
(2) http://www.liberation.fr/futurs/2017/06/30/michel-pelege-une-histoire-de-revenant_1580414
(3) https://www.capital.fr/entreprises-marches/l-autre-mitterrand-pilier-de-l-immobilier-445780
(4) http://next.liberation.fr/design/2014/11/05/christian-pellerin-l-atour-de-la-defense_1136975
(5) https://www.lesechos.fr/13/05/2004/LesEchos/19158-163-ECH_claude-cagol---sefri-cime-est-typiquement-un-constructeur-de-prototypes.htm
(6) https://www.lemoniteur.fr/article/nexity-doit-devenir-une-banque-au-sens-immobilier-du-terme-alain-dinin-p-dg-de-nexity.1953414
(7) https://www.sensemaking.fr/Marc-Villand-Interconstruction-%E2%80%89Les-promoteurs-immobiliers-aiment-les-realisations-innovantes%E2%80%89_a323.html
(8) http://www.economiematin.fr/news-gilles-imbert-groupe-interconstruction-nous-contribuons-a-l-amenagement-de-quartiers-en-plein-renouveau- -
(9) http://www.lefigaro.fr/decideurs/parole-patron/2017/12/10/33003-20171210ARTFIG00202-emmanuel-launiau-le-dirigeant-est-un-jongleur-chinois.php
(10) http://www.parisrivegauche.com/Actualites/Nudge-un-immeuble-innovant-avenue-de-France
(11) https://www.nouvelobs.com/economie/20111112.OBS4370/portrait-alain-taravella-les-intuitions-d-un-promoteur.html
(12) http://www.culture.gouv.fr/Aides-demarches/Dispositifs-specifiques/1-immeuble-1-oeuvre/Signataires-de-la-charte/PITCH-PROMOTION
(13) https://www.cfoc.fr/fr/content/61-portrait-de-laurent-dumas-le-journal-des-arts
Promoteurs d’hier : tout feu, tout flamme
En 1995, Michel Pelège, « Le promoteur sauvé des ruines » (1), renaissait de ses cendres après la crise immobilière du début des années 90… et la sombre histoire du Crédit Lyonnais — au sujet de laquelle il disait « Dieu reconnaîtra les siens ». Juin 2017, rebelote. Michel Pelège, le « revenant » (2), organise une conférence de presse pour présenter les activités de sa société. Administrateur de biens, puis acquéreur d’un réseau d’agences immobilières bien ancrées dans le créneau « prestige », il ajoute au tableau une petite série de sociétés qui permettent au groupe de faire, dit-il, « tous les métiers de l’immobilier ». Un groupe qui a réalisé 18,8 millions d’honoraires en 2016 et emploie 169 collaborateurs. Une ténacité à toute épreuve.
Olivier Mitterrand dirige les Nouveaux Constructeurs depuis 1972. Racontant les effets dévastateurs de la crise de 2008 — à laquelle il n’a pas mieux résisté que ses concurrents de taille comparable, il confiait : « Dans ces moments-là, toute l’attention est tournée vers le président. Il faut faire face et se montrer encore plus serein que d’habitude ». Il avoue : « C’est la création architecturale qui m’intéresse. La rigueur de la conception, la recherche de la qualité tout en rationalisant les coûts » (3). Et l’architecte Michel Macary, qui collabore avec lui depuis 1986, d’ajouter à son sujet : « Quand on lui parle de proportions, il comprend […] Il regarde un bâtiment comme on regarde un tableau ». Un solitaire.
Dans un livre en forme de plaidoyer (4), Christian Pellerin, celui dont on dit qu’il sauva La Défense dans les années 80 et 90, reconnaît un de ses traits : « J’ai peut-être beaucoup d’ego, mais je pense que l’on a droit à un peu d’ego quand on a construit la moitié de la Défense ». Il a eu la richesse et la réussite, avant de connaître la ruine et vingt ans de poursuites judiciaires. Ses peines purgées et blanchi par une série de non-lieux, il se souvient : « Depuis 1978, l’Epad n’assurait plus son rôle d’aménageur. Nous avons pris les choses en main, quasiment en sous-traitance, en nous cachant. On a réussi ». Ne dit-on pas que le culot paie ?
Promoteurs d’aujourd’hui : le risque maîtrisé
Sefri-Cime, créé en 1953 par Jean-Claude Aaron, le promoteur qui a livré en 1974 la tour Maine-Montparnasse à Paris, est dirigé depuis 1979 par Claude Cagol. Belle longévité, à l’image d’un groupe qui se dit soucieux de la pérennité de chacune de ses réalisations et de l’environnement dans lequel elle s’insère. Il se voit comme « constructeur de prototypes » (5). La construction vue comme un art.
« Certains de nos salariés nous demandent de réfléchir à notre positionnement sur l’habitat très social. Nous devons là trouver un modèle économique, qui consistera a minima à ne pas perdre d’argent », déclare Alain Dinin, PDG depuis 2004 de Nexity, le leader français qui emploie plus de 6 000 personnes (6). Il n’aurait peut-être pas pu rester à ce poste sans se montrer consensuel. Une prudence de banquier ?
Marc Villand est président du groupe Interconstruction, groupe de promotion immobilière très actif en région parisienne, et par ailleurs président de la FPI Île-de-France. Marc Villand a le goût du risque, car, promoteur indépendant, il y est confronté en permanence. Mais il sait le prévenir : « La promotion immobilière est pour moi un défi humain qui consiste à gérer un risque multiforme. Un risque au bout du compte financier, mais qui résulte de risques politiques, commerciaux et techniques… qu’il ne faut surtout pas cumuler pour s’en sortir » (7). Amoureux des jardins et des livres, il veut avec Gilles Imbert, directeur général du groupe Interconstruction, « Cultiver l’art de la ville » (8).
Emmanuel Launiau est aujourd’hui le président du Directoire d’Ogic, groupe qu’il a remis sur les rails en tant que jeune directeur général à partir de 2012 : « J’ai beaucoup pratiqué la voile. Comme en bateau, je ne pratique pas les coups de barre mais des réglages fins » (8). Il affiche un goût marqué pour l’innovation, anticipant les nouveaux usages en matière d’habitat qui mêlent désormais le digital et l’écologie. Récompense emblématique, il reçoit le « prix promoteur de l’année » aux Trophées Logement et territoires 2016 pour le premier immeuble Nudge (9). Son secret managérial ? « Le dirigeant est comme un jongleur chinois qui place des assiettes sur une tige ». De la délicatesse.
« De toute façon, ma seule passion, c'est mon entreprise », lâche Alain Taravella, patron d’Altaréa Cogedim (10). Il surprend tout le monde en 2011 lorsqu’il lança une OPA sur RueDuCommerce. Bien lui en a pris de marier ainsi le virtuel et le béton : « Cette opération est une intuition », disait-il alors. Un homme de synergie.
« J’ai toujours voulu que notre métier soit un vecteur de la diffusion de l’art en identifiant des couples parfaits, espace et œuvre, investisseur et artiste, l’œuvre faisant ainsi partie de l’immeuble dès sa livraison », clame Christian Terrassoux PDG de Pitch Promotion, groupe immobilier de près de 250 collaborateurs et un volume d’affaires annuel de plus de 300 millions d’euros (11). Il fut aussi président de la chambre d’Île-de-France de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) avant de passer le relais à Marc Villand, président du groupe Interconstruction. Amateur d’art, lui aussi.
« Ma mère m’avait pourtant élevé avec l’idée qu’il y avait deux branches professionnelles à surtout ne pas emprunter : l’immobilier et l’assurance », dit Laurent Dumas, président du groupe Emerige (12). En 2010, il crée la Villa Emerige, lieu d’exposition d’art contemporain. Il est l’initiateur en décembre 2015 de la charte "un immeuble, une œuvre ». En juin 2018, il est nommé président du conseil d’administration du Palais de Tokyo. De l’art de bâtir à l’amour de l’art, il n’y aurait décidément qu’un pas ?
A tout le moins, l’art n’est jamais loin. La plus grande vertu d’un promoteur, dit-on souvent, est celle d’un chef d’orchestre : il doit savoir bien s’entourer. Non seulement d’hommes de qualité, mais aussi d’œuvres durables.
(1) http://www.liberation.fr/futurs/1995/05/15/michel-pelege-le-promoteur-sauve-des-ruines_133251
(2) http://www.liberation.fr/futurs/2017/06/30/michel-pelege-une-histoire-de-revenant_1580414
(3) https://www.capital.fr/entreprises-marches/l-autre-mitterrand-pilier-de-l-immobilier-445780
(4) http://next.liberation.fr/design/2014/11/05/christian-pellerin-l-atour-de-la-defense_1136975
(5) https://www.lesechos.fr/13/05/2004/LesEchos/19158-163-ECH_claude-cagol---sefri-cime-est-typiquement-un-constructeur-de-prototypes.htm
(6) https://www.lemoniteur.fr/article/nexity-doit-devenir-une-banque-au-sens-immobilier-du-terme-alain-dinin-p-dg-de-nexity.1953414
(7) https://www.sensemaking.fr/Marc-Villand-Interconstruction-%E2%80%89Les-promoteurs-immobiliers-aiment-les-realisations-innovantes%E2%80%89_a323.html
(8) http://www.economiematin.fr/news-gilles-imbert-groupe-interconstruction-nous-contribuons-a-l-amenagement-de-quartiers-en-plein-renouveau- -
(9) http://www.lefigaro.fr/decideurs/parole-patron/2017/12/10/33003-20171210ARTFIG00202-emmanuel-launiau-le-dirigeant-est-un-jongleur-chinois.php
(10) http://www.parisrivegauche.com/Actualites/Nudge-un-immeuble-innovant-avenue-de-France
(11) https://www.nouvelobs.com/economie/20111112.OBS4370/portrait-alain-taravella-les-intuitions-d-un-promoteur.html
(12) http://www.culture.gouv.fr/Aides-demarches/Dispositifs-specifiques/1-immeuble-1-oeuvre/Signataires-de-la-charte/PITCH-PROMOTION
(13) https://www.cfoc.fr/fr/content/61-portrait-de-laurent-dumas-le-journal-des-arts