Michelin ou la forme du bibendum

La RSE de Michelin : un retour gagnant

Michelin a pourtant traversé des difficultés. En 2012, suite à une construction d’usine ayant causé la destruction de 450 hectares de forêt, l’entreprise accusée de « violer les droits d’une communauté d’intouchables en Inde (1) » était entendue à ce sujet par l’OCDE. De plus, à la même époque, les plans sociaux et les licenciements s’accumulaient, valant à la manufacture une image peu reluisante.

Quelques années plus tard et après plusieurs réorganisations, Michelin bénéficie désormais de la meilleure réputation des entreprises du CAC 40 devant Airbus, Saint Gobain ou encore Air Liquide. L’enquête du cabinet de conseil Réputation Institute, a été réalisée selon le quotidien La Croix « auprès d’un échantillon grand public de 4 150 personnes âgées de 18 ans et plus, suivant une grille d’analyse assez complexe, mêlant à la fois des critères émotionnelles (la confiance, l’estime…) et plus rationnels, comme la qualité des produits, la gouvernance ou la démarche citoyenne (2) ». Selon le même journal, « toute les personnes interrogées en conviennent : la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE) prend aujourd’hui de plus en plus d’importance. Les critères RSE pèsent ainsi trois points de plus (43 contre 40 dans l’étude 2016) dans la construction d’une réputation ».

Justifiant cette intuition, et toujours en ce début d’année 2017, le groupe Michelin a remporté le trophée Or dans la catégorie RSE grâce à « ses pratiques achats responsables qui passent notamment par le développement et l’appui à la filière du caoutchouc naturel (3) », sa volonté d’améliorer l’efficacité énergétique de ses sites de 25%, de réduire de 10% ses émissions de dioxyde de carbone, ou encore l'évaluation de ses 400 principaux fournisseurs selon des critères environnementaux. 

La RSE comme moteur de performance

La RSE définie, par la Commission européenne, comme un concept « dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire » semble être devenue un mode de gouvernance d’entreprise jouant pour beaucoup dans la construction d’une réputation. Mais surtout, la performance sociale et environnementale compterait autant que les performances financières.

Selon le journal les Echos : « l’observation [du comportement des entreprises], révèle une démarche d’engagement interne qui est le propre de quelques dirigeants qui ont décidé de ne pas avancer le dos au mur et de retourner des contraintes en avantage positif », « quand à la question du coût de la RSE, elle s’est dissipée car il est très limité en comparaison des […] atteintes portées aux marques en cas d’accusation publique ou de controverses (4) ».

L’exemple de l’engagement « zéro déforestation »

Au cours de l’année 2016, Michelin annonçait son ambition de « zéro déforestation » pour son approvisionnement en caoutchouc naturel. Responsable de 80% de la production mondiale de caoutchouc naturel avec 900 000 tonnes produites chaque année, il était temps, selon le journal www.rse-magazine.fr, pour l’industrie automobile de « prendre [ses] responsabilité[s] en s’orientant vers des alternatives plus respectueuses des ressources naturelles (5) ».

Pour se faire, Michelin a choisi de développer une plate-forme web ayant pour but de collecter un ensemble d’indicateurs RSE sur toute la filière de production de caoutchouc naturel. C’est l’entreprise SMAG, spécialisée dans le système d’information et logiciel pour l’agriculture, qui s’est vu chargée du projet. Cet outil informatique permettra de répartir les planteurs d’hévéa, les intermédiaires et fournisseurs en fonction de leur respect des droits de l’homme et de l'environnement. Pour le leader de pneumatique, il n’est pas question d’être dans le contrôle intégral et permanent, « mais dans l’accès à une meilleure connaissance de la filière dans le cadre d’une démarche de progrès, pour ensuite promouvoir de bonnes pratiques (6) ». Cette démarche déjà pratiquée dans l’industrie du coton ou du café pourra, si elle s’avère probante, inciter les concurrents à s’en inspirer.

Néanmoins, le lien entre le secteur d’activité de l’entreprise et sa réputation est souvent déterminant. Si l’engagement RSE de Michelin s’avère effectivement reconnu par l'opinion publique, d’autres entreprises, dans des secteurs d’activité négativement perçus (banque, secteur pétrolier) ne semble pas jouir d’une bonne réputation auprès des Français, en dépit de politique RSE souvent concrète et étoffée. C'est le cas par exemple de Total qui, selon Olivier Forlini, directeur de Reputation Institute, tente de : «  gommer son image de pétrolier pollueur aux mégaprofits. Mais [qui] piétine dans la queue du classement (34^ème place) (7) ».