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Armes chimiques syriennes : Osera ? Osera pas ?




Publié par Pierre-Marie Meunier le 5 Février 2013

OPINION
L’arsenal chimique syrien risque de continuer longtemps à faire parler de lui. Tant que les dites armes ne seront pas sécurisées, la menace d’une attaque chimique sur des centres urbains restera dans le domaine du possible.



Stock d'obus de 155mm à l'ypérite
Stock d'obus de 155mm à l'ypérite
Cela signerait sans aucun doute la fin du régime de Bachar-El-Assad, car il perdrait immédiatement le peu de soutien qu’il lui reste sur la scène internationale, et il clair qu’il le sait. La question de la rationalité des dirigeants syriens étant sujette à débat, les plus alarmistes parmi nous seraient tentés de croire à un dernier geste de défi à l’endroit de cette même communauté internationale, une ultime réponse sur la question de la dissuasion du fou au fort. Bref, un échec de tous.

Même dans le cas nettement plus probable où aucune de ces armes n’est utilisée, la question de leur sécurisation se posera avec d’autant plus d’acuité lorsque le semblant d’état actuel aura cessé d’exister. En imaginant que le pouvoir en place s’effondre sous les coups de boutoir de l’insurrection, on peut raisonnablement douter du fait que la sécurisation des dépôts d’armes chimiques soit la priorité du nouveau pouvoir, pour autant que celui-ci réussisse à s’installer dans des délais raisonnables. L’évolution de la situation libyenne ne nous rassure pas sur ce point.

Pouvons-nous nous permettre de laisser des stocks évalués à plusieurs centaines de tonnes en libre accès en Syrie ? Certes non, mais comment s’y opposer sans entrer militairement en Syrie, immédiatement après la chute du pouvoir ? Comment serions-nous accueillis par une population que nous nous sommes refusé à aider ? De même que les arsenaux libyens ont contribué à armer, à peu de frais, les divers mouvements sahéliens (n’en déplaise à un philosophe qui continue vigoureusement à se défausser des conséquences de ses actes) les armes chimiques syriennes risquent de se diffuser largement dans « l’arc de crise ». De plus, un obus chargé de neurotoxique, c’est plus facile à transporter qu’un missile sol-air, surtout dans un pays frontalier de l’Irak et du Liban. A priori les localisations des dépôts sont connues des services de renseignement, puisque ce sont eux qui, les premiers, ont donné l’alerte il y a quelques mois sur une possible préparation de ces armes (en l’occurrence le rassemblement des produits précurseurs). Mais on ne peut pas les bombarder, car on ne semble pas connaitre le contenu exact de ces dépôts. Une frappe aérienne pourrait par exemple libérer dans l’atmosphère des nuages d’ypérite, susceptibles de contaminer de vastes zones. Des actions éclair sur ces sites risquent de devenir la seule option de la communauté internationale, mais avec un coût politique que personne ne voudra assumer.

Pour éviter d’en arriver là, il ne nous reste qu’à trouver un moyen de faire sortir ces armes de Syrie ou de les détruire sur place. On imagine mal la Syrie remettre ses stocks à un organisme international, elle qui n’a ni ratifié, ni même signé la convention internationale d’interdiction des armes chimiques. Quant à les détruire sur place, il est peu probable que le régime s’y attelle de sa propre initiative. En effet, ces armes représentent un atout maitre dans le jeu du président syrien. A l’image de ce qui s’est peut-être passé pour Saddam Hussein en 1991 (qui aurait "négocié" le non-emploi de ses armes chimiques contre son maintien à la tête du pays) il est possible que cette destruction s’échange contre un retour au statu quo ante. Au minimum, et de manière totalement cynique, la communauté internationale serait certainement prête à considérer que ces armes valent bien une retraite dorée pour la famille présidentielle, dans un pays hôte, à l’instar de l’ex-président tunisien. Dans tous les cas, la communauté internationale ne sortira pas grandie de cette histoire.

Il y a pourtant une autre possibilité que l’on peut suggérer pour limiter l’accès à ces armes, si la décision de destruction n’est pas prise à temps. Mais cette solution repose sur au moins deux hypothèses, la première étant que le régime conserve un semblant de rationalité jusqu’au dernier instant. Le seul usage possible de ces armes par le pouvoir syrien consisterait à viser précisément les dépôts, à condition, deuxième hypothèse, que ceux-ci soient suffisamment éloignés de toute zone habitée. Si les estimations des experts sont exactes, la Syrie dispose de VX, un agent neurotoxique de type G, qui possède la caractéristique d’avoir une durée d’action de plusieurs jours à plusieurs mois, selon la qualité du produit. Les militaires appellent cette qualité la « persistance », et celle du VX est parmi les plus élevées. Cela correspond à l’usage militaire qui est généralement fait de cette arme chimique, utilisée non pour ses effets létaux, mais plutôt pour sa capacité à interdire l’usage de certaines portions du terrain (ponts, carrefours, découverts…). L’autre qualité du VX réside dans son mode de dispersion sous forme de liquide (en fait des gouttelettes de taille infime). L’avantage d’un liquide, c’est que cela ne se disperse pas ou très peu sous l’influence du vent, ce qui permet des frappes raisonnablement ciblée (à quelques centaines de mètres près selon la précision du vecteur).

Cette option ne serait qu’un ultime recours, car les risques sont très élevés, mais elle présente l’avantage de permettre une neutralisation des dépôts pour plusieurs semaines en moyenne, soit le temps de faire venir des experts extérieurs pour le nettoyage et la destruction des reliquats. Cette solution permettrait en outre de rendre acceptable l’arrivée de soldats étrangers en Syrie, sous prétexte d’apporter une expertise en décontamination que ne possède pas a priori les insurgés. La question de savoir qui envoie quoi est un autre débat. Mais compte tenu de l’actualité sahélienne, on peut penser que les capitales occidentales ne sont pas trop farouchement opposées à ce que le régime syrien dure encore un peu.

 



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