Diplomatie
Retour sur la chronologie des conflits juridiques
Apple est en 2007 un entrant dans le domaine de la télécommunication : ses brevets sont pour lui, un avantage compétitif non-négligeable sur le marché des innovations. Face à cela, en 2011, le géant asiatique de la téléphonie mobile choisit d’appliquer son process d’optimisation qui consiste à considérer l’idée innovante et essayer de faire la même en mieux. Par conséquent, Samsung profite de ce nouvel engouement pour le design du nouveau venu pour lancer des produits qui auront eux-aussi un grand succès.
Cependant, après le lancement du Samsung Galaxy S, Apple porte plainte aux Etats-Unis contre son concurrent sud-coréen pour violation de plusieurs brevets déposés quelques années avant. En effet, Apple considère que des éléments de design ont été copié. Il s’agit alors pour le géant américain d’une atteinte à sa propriété intellectuelle. Parmi ces derniers, nous y retrouvons « un écran rectangulaire avec des coins arrondis et une grille d’icônes sur un écran noir », breveté en janvier 2007. Samsung est reconnu coupable en août de l’année d’après et doit payer une sanction s’élevant à 1,05 milliard de dollars. Cependant, le sud-coréen ne s’arrête pas là : il fait appel face à la décision du jury américain. Il souhaite reconsidérer les termes financiers de sa sanction : alors qu’Apple revendique un peu plus d’un milliard de dollars de pénalités, Samsung demande à en payer que 28 millions. Le chaebol pense qu’il est exagéré de devoir verser tous les profits qu’a engendré la sortie du Samsung Galaxy S.
Sur le front commercial, Apple a répliqué en diversifiant ses sources d’approvisionnement des composants électroniques, dont son ancien principal sous-traitant n’était autre que Samsung. Cependant, les deux géants restent tout de même très liés l’un à l’autre : le but d’Apple a été d’éviter une trop grande dépendance, et non de couper net tout lien.
En 2014, face à la longueur que prend le procès, les deux groupes décident de l’abandon des poursuites par un accord à l’amiable dont les termes financiers n’ont pas révélé. En effet, la guerre des brevets impliquait plus de 30 procédures dans huit pays, dont la France, l’Australie, le Japon, et la Corée du Sud. Les hostilités prennent alors fin partout, en dehors du territoire américain. Il faut attendre 2016 pour une annulation de la peine délivrée en 2012, par la Cour suprême des Etats-Unis. Reprise sous forme d’un appel, cette guerre infernale des brevets prendra finalement fin en mai 2018 : Samsung est condamné à 539 millions de dollars d’amende, divisant par deux sa première condamnation.
Que retenir ? Bien que le géant sud-coréen ait été perdant au premier procès de 2012, aucun des deux groupes n’en sont ressorti vainqueurs sept ans plus tard. Cependant, Samsung aura bien retenu la leçon : il multiplie depuis lors les dépôts de brevets pour pouvoir se protéger dans le cas d’un autre procès, devenant aujourd’hui l’une des marques de high tech à déposer le plus de brevets au monde.
Une secousse ou un tsunami pour le monde de la high tech ?
La concurrence entre les deux géants a fait bouger le monde de la high tech. S’ils sont très différents – ils n’ont pas les mêmes clients, et leur pratique des prix sont à l’opposé –, il faut savoir qu’en 2011, pour la première fois, les Androids ont rattrapé les Iphone. En effet, Samsung devient cette année-là le numéro un mondial de la vente de smartphones ; en dépassant les 50% de parts de marché mondial dans le secteur.
Mais, qu’en est-il de l’innovation technologique ? La guerre des brevets pose la problématique de la valorisation de la propriété intellectuelle dans un univers de standardisation technologique (*). Ce conflit mondial entre Apple et Samsung a amené de nouvelles incertitudes vis-à-vis des risques pour le développement et la diffusion de la high tech. La standardisation a pour conséquence directe une nouvelle vision des brevets et de la propriété intellectuelle. En cas de monopole des brevets dit essentiels à cette dernière, l’entreprise serait alors en position de contrôle du marché.
Samsung et Apple se battent sur un marché caractérisé par la standardisation : parmi les brevets faisant l’objet du conflit, certains sont des brevets essentiels. Le plus grand enjeu de la guerre des brevets a été l’injonction de retirer du marché les téléphones de Samsung incriminés par Apple. Dans le cas où l’injonction aurait été accepté – ce qui n’a pas été le cas –, cela aurait bouleversé le système concurrentiel du marché des nouvelles technologies. Cela a été d’autant plus perceptible par les différents soutiens qu’on reçut les deux géants. Si Samsung a été soutenu par les grands groupes de la high tech tels que Google, Facebook, Dell et Hewlett-Packard, Apple a quant à lui été appuyé par des groupes de designers et de mode qui souhaitent soutenir les « principes fondamentaux du design visuel ».
(*) Recherche de Henry Delcamp, docteur en économie de Mines ParisTech.
