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Les A-10 aussi…




Publié par Pierre-Marie Meunier le 17 Mai 2013

Le 17 mai 2013, les quatre derniers A-10 Thunderbolt II ont décollé de la base aérienne de Spangdahlem pour rejoindre celle de Moody en Géorgie (Etats-Unis). Un peu moins de deux mois après les derniers chars américains, un autre symbole de la guerre froide et de la présence militaire des Etats-Unis en Europe nous a quittés.



A-10 Thunderbolt II du 81st Fighter Squadron, armé d'un pod de brouillage ALQ-131, de paniers LAU-10/A pour roquettes Zuni de 5 pouces, de missiles AGM-65 Maverick, de deux AIM-9 Sidewinder et de bombes BSU-49 "Baloot"
A-10 Thunderbolt II du 81st Fighter Squadron, armé d'un pod de brouillage ALQ-131, de paniers LAU-10/A pour roquettes Zuni de 5 pouces, de missiles AGM-65 Maverick, de deux AIM-9 Sidewinder et de bombes BSU-49 "Baloot"
Le 81st Fighter Squadron (81st FS) venait de fêter ses 40 ans de présence sur la base aérienne de Spangdahlem, dont 21 ans sur Fairchild A-10. Après avoir arpenté les bases américaines pendant une brève période après la seconde guerre mondiale, le 81st FS s’est établi en Europe à partir de 1953, revenant sur les traces de ses anciens qui avaient parcouru des cieux européens chargés une année durant, entre avril 1944 et avril 1945, année qui s’est partagée entre des bases anglaises et françaises. Malgré ses faits d’armes sur le front occidental, l’escadrille a été dissoute puis récréée à deux reprises en 1945 et 1951. Après un passage dans la réserve au début des années 1950, l’escadrille est basculée dans l’active quelque mois avant son transfert en Allemagne en 1953, dans le cadre du plus important mouvement de renforcement des forces américaines en Europe. A la fin des années 1950, près de 400 000 militaires américains sont présents en Europe de l’Ouest.  En 1973, l’escadrille se pose sur la base de Spangdahlem, à quelques dizaines de kilomètres du Luxembourg, base dont elle ne bougera plus jusqu’à aujourd’hui. Elle a changé plusieurs fois d’appellations avant de retrouver en 1991 sa dénomination de mai 1942. A sa création, le 6 janvier 1942, elle s’appelait le 81st Pursuit Squadron, Interceptor.

Depuis 1991, elle est sous le commandement du 52nd Fighter Wing, regroupant au sein du 52nd Operations Group les 22nd et 23rd Fighter Squadron sur F-16C/D, en plus du 81st Fighter Squadron. Entre 1992 et 1994, les Mc Donnell Phantom F-4C/D/E/G sont progressivement remplacés par des A-10A Thunderbolt II (rétrofittés pour certains à partir de 2006 en A-10C, avec principalement une avionique améliorée). L’A-10 est un avion hors du commun, conçu spécifiquement pour sa mission d’attaque au sol à basse vitesse et à basse altitude, et autour de son canon : le monstrueux GAU-8A Avenger, canon Gatling heptatube de 30 mm et 2 tonnes, pouvant tirer jusqu’à 70 obus à la seconde. L’A-10, surnommé Warthog (phacochère), du fait de certaines libertés prises avec les lois de l’aérodynamique, est un avion particulièrement rustique et résistant, conçu pour continuer de voler même après avoir subi des dommages sévères : il peut voler sur un seul moteur, sans ordinateur de bord (il est naturellement stable, contrairement à l’immense majorité des avions de chasse modernes) et se poser sur des pistes courtes et sommaires. Le poste de pilotage peut encaisser des coups directs de 23 mm. Sa charge utile considérable lui vaut également le surnom de « camion à bombes ». Il peut emporter la quasi-totalité de l’inventaire US des munitions air-sol, des roquettes aux missiles en passant par les bombes lisses ou guidées. Cet armement, combiné au panachage d’obus de 30 mm de son canon (en général quatre munitions PGU-13/B HEI explosive et incendiaire, pour une munition PGU-14/B API perforante et incendiaire) en font le tueur de char par définition. Il a excellé dans cet emploi durant la première guerre du Golfe, en détruisant plusieurs milliers de véhicules blindés. Même si l’emploi massif d’uranium appauvri restera un sujet de controverse, sa seule apparition dans les cieux irakiens a amené des unités entières à se rendre, tant l’effet psychologique de cet appareil est important : équipé de moteurs Pratt & Whitney à double flux, il est particulièrement silencieux à l’approche, alors que son canon fait, lui, un bruit terrifiant. Utilisé à nouveau au Kosovo en 1999, en Afghanistan depuis 2001 et à nouveau en Irak en 2003, il est prévu pour être remplacé dans la décennie qui vient par le F-35 de Lockheed Martin. On imagine mal comment ce programme, catastrophique sur le plan budgétaire et technologique, va pouvoir reprendre ses missions, particulièrement en termes de rusticité. La polyvalence a des limites que le F-35 a atteinte depuis longtemps, au grand dam de ses partisans, mais c’est un autre débat.

La dernière mission opérationnelle des A-10 du 81st Fighter Squadron s’est déroulée au dessus du village de Fulda, non loin de l’ex-frontière entre RFA et RDA. Le nom de Fulda est bien connu des militaires ayant connu la guerre froide, puisque c’est par cette plaine, appelée « trouée de Fulda » que devaient dévaler les armées du Pacte de Varsovie stationnées en Tchécoslovaquie, en particulier la 8ème armée de la garde soviétique. Bien que moins praticable que les plaines du Nord de l’Allemagne, cet axe de progression permettait d’atteindre très rapidement le Rhin et le cœur de l’OTAN en Europe, vers la zone sous responsabilité française à travers la zone américaine. Cette dernière mission des A-10 en Europe est également symbolique d’une période qui a marqué l’histoire européenne. Du fait des coupes automatiques en vigueur aux Etats-Unis et des procédures de séquestration budgétaires qui en découlent, les A-10 ont du récemment renoncer à mener d’autres missions, conformément au National Defense Authorization Act de 2013, qui définit le budget et les dépenses du Ministère de la Défense US. Avalisé par le Président américain, ce document a également sonné le glas du déploiement des A-10 en Europe. Mais ce choix est cohérent avec la volonté des autorités américaines de réorganiser globalement le dispositif de l’armée, suite à la réorientation stratégique vers le Pacifique et l’Asie. Même si la menace n’est pas perceptible à nos frontières, le message américain à destination des européens est clair : il n’est que temps de prendre en charge notre défense. Il n’est pas sûr que le message ait été compris.

A-10 en stationnement sur la base aérienne de Spangdahlem, qui a conservé son organisation héritée de la guerre froide (crédit Google Earth)
A-10 en stationnement sur la base aérienne de Spangdahlem, qui a conservé son organisation héritée de la guerre froide (crédit Google Earth)



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