« À la suite de l'évaluation de la coopération effective entre tous les partenaires, il y a deux mois, les Émirats arabes unis ont retiré leur participation aux Forces maritimes combinées », indiquait il y a quelques jours un communiqué du ministère émirati des Affaires étrangères. Les « Forces maritimes combinées » (Combined Maritime Forces) sont une coalition navale intégrée et dirigée par les États-Unis depuis Bahreïn. Composée de 38 pays, dont la France et les EAU, elle avait été créée en 2001 à la suite des attentats du 11 septembre. Elle est en particulier chargée de sécuriser les voies maritimes du Golfe, d'une importance majeure pour le commerce mondial. Il s'agit en effet de l'unique voie d'accès maritime pour relier les pays pétroliers tels que les EAU ou le Qatar au reste du marché mondial. Les détroits de Bab el Mandeb et le canal de Suez, où patrouille la force conjointe, voient en outre passer 12 % du commerce maritime international. La moindre tension dans ces eaux peut perturber l'économie mondiale. En 2019, l'explosion d'un pétrolier iranien touché par deux missiles dans la mer Rouge avait provoqué hausse du prix du Brent de plus de 2%.
Un retrait dans un contexte de tensions en mer rouge
Ces derniers mois, les incidents se sont multipliés dans les eaux du Golfe. Début mai, un navire pétrolier battant pavillon panaméen avait été saisi par l'Iran alors qu'il traversait le détroit d'Ormuz. Le navire, qui avait quitté Dubaï et se dirigeait vers le port de Fujairah aux Émirats arabes unis, a été poursuivi par des bateaux appartenant aux Gardiens de la Révolution. Plus tard, deux autres navires ont été saisis par le régime. En réaction, les États-Unis ont annoncé travailler « avec les alliés et partenaires dans la région pour augmenter les rotations des bateaux et des avions » qui y patrouillent. L'Iran, de son côté, a affirmé être en mesure d'assurer la sécurité du Golfe en coopération avec les autres pays de la région, sans l'implication des États-Unis. Le commandant de la marine iranienne a ainsi déclaré que son pays et l'Arabie saoudite, ainsi que trois autres États du Golfe, envisagent de former une alliance navale qui inclurait également l'Inde et le Pakistan.
Les Émirats se rapprochent de l’Iran
L'annonce officielle des EAU de se retirer de cette force maritime est donc probablement liée au rapprochement du pays avec le régime des Mollahs. Selon les experts, cette décision serait liée à l’annonce du 5 avril de la nomination d’un ambassadeur iranien à Abou Dhabi. Le poste était vacant depuis 8 ans. À la suite de la violation de l'ambassade d'Arabie saoudite en 2016, les EAU avaient pris la décision de réduire leur présence diplomatique en Iran. Toutefois, les liens économiques entre les deux pays ont été maintenus tout au long de cette période, puisqu'en 2018, les Émirats représentaient, pour les échanges de biens non pétroliers, le troisième marché d'exportation de l'Iran, selon l'Organisation iranienne de promotion du commerce. Ce lien a par ailleurs été renforcé par la place centrale qu'a prise Dubaï dans les échanges mondiaux. Afin d'avoir accès au marché iranien, particulièrement fermé en raison des sanctions américaines, de nombreuses entreprises étrangères se sont installées dans l'Émirat pour commercer avec l'Iran. À l'inverse, afin d'exporter leurs biens, de nombreux hommes d'affaires iraniens sont passés par Dubaï. Ils représentent aujourd'hui 5% de la population du pays.
Un éloignement vis-à-vis des États-Unis au profit de la Chine ?
Mais le retrait de la Force maritime est aussi et surtout un moyen pour les EAU d'acter progressivement leur indépendance vis-à-vis des États-Unis. Le rapprochement officiel avec l'Iran est en cours depuis 2022, lorsque le chef de la diplomatie iranienne, Hossein Amir-Abdollahian, avait déclaré vouloir « élargir nos relations avec tous nos voisins, y compris les Émirats arabes unis ». Mais cette stratégie ne se limite pas seulement aux régimes chiites, elle se manifeste également avec Pékin et Moscou. Depuis les sanctions occidentales contre la Russie, Dubaï est devenue la plaque tournante de l'or russe. De nombreuses entreprises, dont des filiales de Wagner, se sont installées dans l'Émirat et profitent de la faiblesse de la législation pour écouler et blanchir l'or extrait dans des conditions pour le moins suspectes au Sahel. Les Émirats ont ainsi réussi à capter une part importante des exportations d'or russe.
Les relations avec la Chine sont anciennes et remontent à l'époque de la route de la Soie. Aujourd'hui, comme pour l'ensemble des pays présents dans la région, elles sont principalement motivées par les hydrocarbures. En 2021, la Chine a importé 128 milliards de dollars de pétrole brut en provenance des pays du golfe Persique et du détroit d'Ormuz, soit trois fois plus que les États-Unis et l'Union européenne réunis. Cela représente 45 % des importations de pétrole du pays. Afin de consolider son partenariat avec les Émirats, Xi Jinping a donc renforcé les investissements dans le pays. La Chine a notamment construit plusieurs installations au port de Khalifa, ainsi qu'un oléoduc qui s'étend jusqu'au port de Fujairah. Afin de sécuriser les flux maritimes, le pays a par ailleurs étendu cette coopération au niveau militaire. En avril dernier, le renseignement américain a annoncé avoir détecté construction d’une installation militaire chinoise. Si cette base répond dans un premier temps à la défense des intérêts chinois dans la région, il s'agit aussi d'un moyen pour MBZ de jouer sur plusieurs tableaux.
L'annonce de cette découverte a ébranlé la confiance de Washington en son allié, au point suspendre les pourparlers avec les Émirats pour l'acquisition de F-35, par crainte que Pékin n'ait accès aux technologies américaines. Les choix récents des Émirats arabes unis remettent aujourd'hui en question la fiabilité de leur alliance avec l'Occident. En effet, dans un contexte de fortes tensions internationales, voir un allié se rapprocher d’un rival est problématique et entame une confiance indispensable à une bonne entente. Ceci n’est peut-être qu’un des remodelages en cours que subissent les relations internationales depuis le début de la guerre en Ukraine. Un remodelage qui fait planer le doute sur les intentions des Émirats arabes unis.
Les relations avec la Chine sont anciennes et remontent à l'époque de la route de la Soie. Aujourd'hui, comme pour l'ensemble des pays présents dans la région, elles sont principalement motivées par les hydrocarbures. En 2021, la Chine a importé 128 milliards de dollars de pétrole brut en provenance des pays du golfe Persique et du détroit d'Ormuz, soit trois fois plus que les États-Unis et l'Union européenne réunis. Cela représente 45 % des importations de pétrole du pays. Afin de consolider son partenariat avec les Émirats, Xi Jinping a donc renforcé les investissements dans le pays. La Chine a notamment construit plusieurs installations au port de Khalifa, ainsi qu'un oléoduc qui s'étend jusqu'au port de Fujairah. Afin de sécuriser les flux maritimes, le pays a par ailleurs étendu cette coopération au niveau militaire. En avril dernier, le renseignement américain a annoncé avoir détecté construction d’une installation militaire chinoise. Si cette base répond dans un premier temps à la défense des intérêts chinois dans la région, il s'agit aussi d'un moyen pour MBZ de jouer sur plusieurs tableaux.
L'annonce de cette découverte a ébranlé la confiance de Washington en son allié, au point suspendre les pourparlers avec les Émirats pour l'acquisition de F-35, par crainte que Pékin n'ait accès aux technologies américaines. Les choix récents des Émirats arabes unis remettent aujourd'hui en question la fiabilité de leur alliance avec l'Occident. En effet, dans un contexte de fortes tensions internationales, voir un allié se rapprocher d’un rival est problématique et entame une confiance indispensable à une bonne entente. Ceci n’est peut-être qu’un des remodelages en cours que subissent les relations internationales depuis le début de la guerre en Ukraine. Un remodelage qui fait planer le doute sur les intentions des Émirats arabes unis.