Les drones : au cœur de la stratégie antiterroriste américaine
De nouvelles frappes effectuées par des drones ont tué au moins 3 personnes le 31 octobre au Waziristan du Nord, la région pakistanaise frontalière de l’Afghanistan. Cette zone, largement occupée par des talibans ou des groupes affiliés à Al-Qaïda, constitue le principal théâtre d’opération des drones américains depuis une décennie. De 2000 à 4700 personnes auraient ainsi trouvé la mort lors de quelques 300 attaques. Cependant, les deux ONG estiment que les victimes collatérales de ces frappes, des civils, se conteraient par centaines. Pour Ben Emmerson, rapporteur de l’ONU, ce nombre attendrait 400 victimes, soit près de 20% de la fourchette basse. Quant aux autres régions, en particulier le Yémen, elles ne sont pas en reste : depuis 2011, l’activité des drones s’y est considérablement intensifiée : la New American Foundation estime ainsi que les frappes ont été multipliées par trois depuis 2011. La situation est telle que les États-Unis ont évacué leurs ressortissants et fermé leur ambassade dans le pays. Des frappes ont également lieu en Somalie depuis 1997. Elles auraient fait entre 7 et 27 morts, d’après le Bureau of Investigative Journalism. Amnesty International considère ainsi que les États-Unis se sont arrogés un « droit de tuer supérieur aux tribunaux et aux normes fondamentales du droit international ».
L’accord tacite, la règle d’or
Mais la politique américaine d’assassinats ciblés trouve par ailleurs un soutien de poids chez les pays les plus concernés. Le Pakistan, en l’occurrence, conserve volontairement un double discours quant à ces actions. Si le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif, a demandé, lors d’une visite officielle au mois d’octobre, au président américain de faire cesser ces frappes en les condamnant, il est de notoriété qu’il en va d’une toute autre manière dans les faits. D’après des sources américaines, 65 attaques menées par des drones ont été le fruit de discussions préalables entre les deux pays. Un travail conjoint de la CIA et des services pakistanais pour traquer les cibles aurait même été mis à jour. La position du Pakistan reste relativement ambiguë en la matière, et une véritable crise a eu lieu en 2011, lors de l’assassinat d’Oussama Ben Laden au Pakistan, entre Islamabad et Washington. Mais malgré des désaccords ponctuels, les États-Unis restent, dans une certaine mesure, tributaires de la complicité, active ou passive, d’états disposant d'une influence stratégique sur une région donnée : la grande portée des aéronefs, en particulier du Reaper de General Atomics (1800 km de rayon d’action), ne peut se passer de l’adhésion d’une puissance régionale pour exercer une campagne sur un temps aussi long. Cette dimension concerne, entre autres, certaines puissances africaines, mais aussi et surtout l’Arabie Saoudite.