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Du Frappeur aux DDG-1000 de classe Zumwalt




Publié par Pierre-Marie Meunier le 12 Février 2013

L'assemblage de la coque du premier croiseur DDG-1000 de classe Zumwalt vient d'être achevé. Cette première étape symbolique de la construction d'un navire donne déjà un aperçu très concret du design hors norme du bâtiment.



(source : Navy.mil)
(source : Navy.mil)
Les commentateurs ont raison d’insister sur le côté surnaturel ou surréaliste de la vision du premier DDG-1000 assemblé. Tout droit sorti des rêves fous d’un ingénieur, il dégage néanmoins une grande impression de puissance, ceci alors qu’aucune arme n’est encore montée. Mais il est vrai qu’à l’inverse des croiseurs d’antan hérissés de canons de tous calibres, les destroyers furtifs DDG-1000 de classe Zumwalt cacheront la plupart de leurs armements en silos verticaux ou sous des revêtements furtifs destinés à réduire la surface équivalente radar (SER). Sur les 32 unités prévues dans les années 1990 (avant que General Dynamics ne présente la facture de 3,2 milliards de $ pièce et jusqu’à environ 7 en incluant la R&D) seules 3 seront finalement construites.
 
L’équipement aura tout de même de quoi impressionner, avec 80 cellules Mk 57 de lancement vertical (VLS), réparties en 20 modules de 4 VLS chacun et disposés de manière inhabituelle sur toute la périphérie du bâtiment. Ces silos pourront accueillir des RIM-162 Evolved Sea Sparrow Missile (ESSM), des missiles de croisière Tactical Tomahawk, des missiles de défense anti-aérienne Standard Missile SM-2, SM-3 ou SM-6, et des roquettes anti sous-marins Vertical Launch Anti-Submarine Rocket (ASROC). A l’exception des ESSM, qui tiennent à 4 dans une seule cellule, on ne fait tenir normalement qu’une seule arme par silo. Deux bémols de taille malgré tout à cette liste à la Prévert : les DDG-1000 ne peuvent pas être intégrées au sein de la Ballistic Missile Defense, en raison d’incompatibilités radar qui devraient être corrigées par des rétrofits ultérieurs. Cette mission sera dévolue en attendant aux destroyers lance-missiles DDG-51 de classe Arleigh Burke (systèmes de combat Aegis). De plus, les DDG-1000 n’emportent pas de missiles antinavires AGM-84 Harpoon. Ce missile ne sera compatible avec le système VLS qu’à partir du standard Block 3, qui est prévu mais n'est pas encore développé par Boeing. Pour la protection contre les autres bâtiments ils devront compter sur les Tomahawk Anti-Ship Missile (RGM/UGM-109B TASM) et sur les tourelles canons.
 
Ces tourelles seront au nombre de quatre (sans compter deux possibles canons mitrailleurs de 30 mm) : 2 tourelles de 57 mm Mk110 et 2 tourelles de 155 mm Advanced Gun Systems de BAe Systems, approvisionnées à 920 coups (les 3/4 en chargement automatique) et conçues pour tirer des obus Long Range Land Attack Projectile de Lockheed Martin à une cadence unitaire de 10 coups/minutes et à 83 nautiques de distance en théorie (soit 153 kilomètres !). Ces tourelles, encore en phase d’expérimentation (en particulier les obus) pourraient être remplacées lors de la refonte à mi-vie par les premiers rail-gun opérationnels. De la même façon, les tourelles de 57 mm, plus spécifiquement dédiées à la défense rapprochée, pourraient être remplacées par des lasers de défense rapprochée. Comme sur les porte-avions de classe Gerald Ford, la génération électrique des Zumwalt est d’ores et déjà prévue pour encaisser la charge supplémentaire.
 
Même en l’état, les destroyers de classe Zumwalt dispose d’une puissance de feu plus que conséquente, bien que les concepteurs se soient considérablement éloignés de l’idée d’origine d’Arsenal Ship de l’amiral américain Joseph Metcalf. Ce concept est lui-même issu d’un projet français : le Frappeur, dont l’idée a été développée par René Loire. A l’heure où nombre de spécialistes dénoncent le sous-armement chronique des navires européens en général, et français en particulier, il ne serait pas inopportun de reconsidérer l’idée.
 
Loin du prestige de l’aéronavale, du mystère des sous-marins ou du charme des coques grises traditionnelles, le Frappeur est un navire au design unique, conçu autour de la puissance de feu, de la furtivité et de la résistance aux coups. Sa silhouette, plus proche de la barge que du bâtiment de ligne, est extrêmement basse sur l’eau, pas plus d’1m50 au dessus de la surface pour échapper aux missiles rase-mer, sa structure est conçue selon les mêmes principes que celles de pétroliers, avec une double coque au sein de laquelle s’intercalent ballasts et réservoir de carburant. Sa conception est modulaire, les modules indépendants s’ajoutant bout à bout pour une construction simplifiée. Il serait prévu pour accueillir un équipage réduit à quelques dizaines de personnes, surtout chargées de la navigation et de l’entretien. Le bateau contiendrait par contre plusieurs centaines de missiles de tous types dans des blocs VLS. Inséré au sein d’un réseau de communication, de décision et de désignation, le Frappeur serait une plateforme mobile d’appui-feu massif. Son coût de construction (armements compris) est estimé quelques centaines de millions d’euros, soit le prix de deux à quatre Rafale. Ce concept aurait été « amorti », par exemple, dans les premières heures de l’opération Harmattan, lorsque plusieurs salves de missiles de croisière américains ont été tirées. Car ce que nous économisons à laisser agir les navires américains, nous le perdons au centuple en autonomie stratégique.

 



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