Emmanuel Ramazani Shadary était le candidat du président Joseph Kabila pour l’élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC). Certains le voyaient l’emporter. D’autres croyaient l’affaire pliée en faveur de l’opposant Martin Fayulu. Finalement, le troisième homme de l’élection présidentielle, Félix Tshisekedi, a été déclaré vainqueur par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), à la surprise générale.
S’il faut saluer une alternance politique pacifique, ce qui est inédit depuis l’indépendance de la RDC, cela n’empêche pas Martin Fayulu d’en contester les résultats, de revendiquer la victoire et de demander le recomptage des voix auprès de la Cour constitutionnelle, avec la caution morale de l’Église catholique, qui avait déployé 40 000 correspondants pour observer le scrutin et qui en appelle maintenant à l’ONU pour faire publier les procès-verbaux du scrutin. Beaucoup de commentateurs s’interrogent sur l’existence d’un accord entre Félix Tshisekedi et le pouvoir, arrangement qui permettrait de préserver l’avenir politique de Joseph Kabila malgré la défaite de son camp à l’élection présidentielle — avec l’assentiment probable des américains. La France, elle, se retrouve privée de Martin Fayulu, l’homme à qui elle semble avoir voulu se raccrocher. Après coup.
La République démocratique du Congo, ex-Zaïre
La République démocratique du Congo (RDC) ne doit pas être confondue avec son voisin, le Congo-Brazzaville. Ancienne colonie belge indépendante depuis 1960, elle s’est appelé Zaïre sous le régime du général Joseph Mobutu, entre 1971 et 1997. Elle est aujourd’hui le quatrième pays le plus peuplé d’Afrique, avec une population estimée à 85 millions d’habitants en 2015, sa capitale, Kinshasa, en comptant près de 13 millions. En plein cœur de l’Afrique centrale, la RDC est un pays grand comme presque quatre fois la France. Son sol renferme des réserves importantes d’or, de diamants, de charbon, d’uranium, ou de coltan... Malgré cela, il est classé au 176e rang sur 189 pays par son indice de développement humain, établi à partir d’éléments comme le PIB, le niveau d’éducation et l’espérance de vie. La RDC est aussi le pays qui a connu dix épidémies d’Ebola et qui est rongé par des conflits armés, notamment dans l’est du pays. Une mission de maintien de la paix de l’ONU y est d’ailleurs déployée depuis 1999, la plus importante au monde sur le plan des effectifs.
Kabila au pouvoir depuis 1997
La République démocratique du Congo est dirigée depuis 1997 par la famille Kabila. Le père, Laurent-Désiré Kabila, a renversé le dictateur Mobutu, et réinstauré la république, avant d’être assassiné en 2001 par un de ses gardes du corps. Un de ses fils, Joseph Kabila, est choisi pour prendre sa suite. Vainqueur de l’élection présidentielle de 2006, il est réélu en 2011, l’emportant au second tour face à Etienne Tshisekedi, le père du président qui vient d’être élu. De nombreux opposants ont été poussés à l’exil par le régime de Joseph Kabila, accusé de réprimer brutalement la contestation politique. Selon l’ONG Human Rights Watch, les forces de sécurité ont tué près de 300 personnes entre 2015 et 2018 dans des manifestations pacifiques, et arrêté des centaines d’opposants. Joseph Kabila est également soupçonné d’avoir favorisé, par ses décisions économiques, son enrichissement personnel et celui de ses proches.
Élection historique
Joseph Kabila aurait théoriquement dû se retirer en décembre 2016, à la fin de son second mandat, la constitution congolaise lui interdisant d’en effectuer trois consécutifs. Mais les élections ont été repoussées plusieurs fois, déclenchant des manifestations parfois violemment réprimées.
Sous la pression de la communauté internationale, Kabila s’est finalement retiré au profit de son ancien ministre de l’Intérieur qui est devenu le candidat du parti présidentiel. Cette élection était donc l’occasion de voir pour la première fois une alternance politique pacifique en RDC. Tous les prédécesseurs de Joseph Kabila ayant fini tués ou renversés.
Le scrutin s’est joué entre trois hommes, qui se sont partagé plus de 97 % des voix. Le parti au pouvoir, le PPRD, avait désigné Emmanuel Ramazani Shadary pour ne pas faire de l’ombre à Kabila. Face à lui, les principaux partis de l’opposition avaient désigné un candidat commun, Martin Fayulu, qui a reçu le soutien des deux principaux opposants à Joseph Kabila, Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi, tous deux empêchés de se présenter. Mais Félix Tshisekedi, dirigeant du principal parti d’opposition, l’UDPS, et fils d’Etienne Tshisekedi, opposant historique mort en 2017, a rompu l’accord et annoncé sa propre candidature, désignant à l’avance comme son futur Premier ministre Vital Kamerhe, un ancien membre du parti de Kabila.
Des résultats contestés
« Le climat général a été relativement calme », s’est réjoui la Conférence épiscopale nationale du Congo après le vote, malgré la mort de quatre personnes dans la région du Sud-Kivu.
Après dix jours de dépouillement, la Commission électorale nationale indépendante (Céni) a déclaré Félix Tshisekedi vainqueur de ce scrutin en un seul tour, avec 38,57 % des voix, devant Martin Fayulu (34,8 %), et le candidat du parti au pouvoir, Emmanuel Ramazani Shadary (23,8 %). Martin Fayulu a immédiatement rejeté des résultats, affirmant avoir recueilli 61,5 % des suffrages contre 18,86 % pour Felix Tshisekedi et 18,49 % pour Emmanuel Ramazani Shadary.
« Tels que publiés par la Céni, les résultats ne correspondent pas aux données collectées par notre mission d’observation », a réagi l’Église catholique de RDC, seule à avoir déployé des observateurs, près de 40 000 pour surveiller 75 000 bureaux. L’Église n’a cependant pas dévoilé les résultats de son propre décompte et elle a « pris acte » des résultats proclamés par la Céni.
La France a également exprimé ses doutes sur le scrutin, par la bouche de ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
Un compromis en faveur de Kabila
Dans sa première déclaration comme président, Félix Tshisekedi a qualifié Kabila de « partenaire de l’alternance démocratique », ce qui en dit long sur un rapprochement de dernière minute entre les deux hommes. En revanche, une victoire de Martin Fayulu aurait été le pire scénario pour le pouvoir en place, car il était soutenu par Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba, les rivaux de Kabila.
Alors que des manifestations et des affrontements ont eu lieu entre des civils et la police dans plusieurs villes du pays, Martin Fayulu a annoncé qu’il déposerait une plainte devant la Cour constitutionnelle pour contester les résultats et exiger le recomptage des voix avec production des procès-verbaux des bureaux de vote devant des témoins, soutenu dans cette démarche par l’Église — même s’il sait que la Cour constitutionnelle est composée de partisans de Kabila.
La désignation de Félix Tshisekedi sonne donc comme une forme de compromis. En tout état de cause, Félix Tshisekedi devra composer avec l’armée et avec une Assemblée nationale dont on sait qu’elle sera dominée par le Front commun pour le Congo (FCC) du président sortant Joseph Kabila, qui par ailleurs n’a pas annoncé qu’il quittait la vie politique.
Un scrutin volé ?
Selon des fuites révélées par le Financial Times (grâce à des lanceurs d’alerte qui ont réussi à communiquer à la presse étrangère des résultats enregistrés par les 62 716 machines à voter), les vrais résultats seraient clairement en faveur de Martin Fayulu : d’après 86 % des votes enregistrés sur l’ensemble du pays, Martin Fayulu aurait obtenu 59,7 % des votes tandis que Felix Tshisekedi, alors qu’il avait été déclaré vainqueur par la Commission électorale avec 38,57 % des votes, n’aurait en réalité obtenu que 19 % des voix !
La rumeur veut que, jusqu’aux dernières heures avant la proclamation définitive des résultats, une femme membre de la commission des rapporteurs de la CENI (pour représente le MNLC de Jean-Pierre Mbemba, l’opposant interdit de candidature malgré son retour en RDC cet été) ait refusé de signer le procès-verbal final annonçant la victoire de Felix Tshisekedi, prétendant détenir la preuve de la victoire de Fayulu. Des pourparlers auraient eu lieu entre l’Ambassadeur Americain et la Ceni pour l’exfiltrer...
S’il faut saluer une alternance politique pacifique, ce qui est inédit depuis l’indépendance de la RDC, cela n’empêche pas Martin Fayulu d’en contester les résultats, de revendiquer la victoire et de demander le recomptage des voix auprès de la Cour constitutionnelle, avec la caution morale de l’Église catholique, qui avait déployé 40 000 correspondants pour observer le scrutin et qui en appelle maintenant à l’ONU pour faire publier les procès-verbaux du scrutin. Beaucoup de commentateurs s’interrogent sur l’existence d’un accord entre Félix Tshisekedi et le pouvoir, arrangement qui permettrait de préserver l’avenir politique de Joseph Kabila malgré la défaite de son camp à l’élection présidentielle — avec l’assentiment probable des américains. La France, elle, se retrouve privée de Martin Fayulu, l’homme à qui elle semble avoir voulu se raccrocher. Après coup.
La République démocratique du Congo, ex-Zaïre
La République démocratique du Congo (RDC) ne doit pas être confondue avec son voisin, le Congo-Brazzaville. Ancienne colonie belge indépendante depuis 1960, elle s’est appelé Zaïre sous le régime du général Joseph Mobutu, entre 1971 et 1997. Elle est aujourd’hui le quatrième pays le plus peuplé d’Afrique, avec une population estimée à 85 millions d’habitants en 2015, sa capitale, Kinshasa, en comptant près de 13 millions. En plein cœur de l’Afrique centrale, la RDC est un pays grand comme presque quatre fois la France. Son sol renferme des réserves importantes d’or, de diamants, de charbon, d’uranium, ou de coltan... Malgré cela, il est classé au 176e rang sur 189 pays par son indice de développement humain, établi à partir d’éléments comme le PIB, le niveau d’éducation et l’espérance de vie. La RDC est aussi le pays qui a connu dix épidémies d’Ebola et qui est rongé par des conflits armés, notamment dans l’est du pays. Une mission de maintien de la paix de l’ONU y est d’ailleurs déployée depuis 1999, la plus importante au monde sur le plan des effectifs.
Kabila au pouvoir depuis 1997
La République démocratique du Congo est dirigée depuis 1997 par la famille Kabila. Le père, Laurent-Désiré Kabila, a renversé le dictateur Mobutu, et réinstauré la république, avant d’être assassiné en 2001 par un de ses gardes du corps. Un de ses fils, Joseph Kabila, est choisi pour prendre sa suite. Vainqueur de l’élection présidentielle de 2006, il est réélu en 2011, l’emportant au second tour face à Etienne Tshisekedi, le père du président qui vient d’être élu. De nombreux opposants ont été poussés à l’exil par le régime de Joseph Kabila, accusé de réprimer brutalement la contestation politique. Selon l’ONG Human Rights Watch, les forces de sécurité ont tué près de 300 personnes entre 2015 et 2018 dans des manifestations pacifiques, et arrêté des centaines d’opposants. Joseph Kabila est également soupçonné d’avoir favorisé, par ses décisions économiques, son enrichissement personnel et celui de ses proches.
Élection historique
Joseph Kabila aurait théoriquement dû se retirer en décembre 2016, à la fin de son second mandat, la constitution congolaise lui interdisant d’en effectuer trois consécutifs. Mais les élections ont été repoussées plusieurs fois, déclenchant des manifestations parfois violemment réprimées.
Sous la pression de la communauté internationale, Kabila s’est finalement retiré au profit de son ancien ministre de l’Intérieur qui est devenu le candidat du parti présidentiel. Cette élection était donc l’occasion de voir pour la première fois une alternance politique pacifique en RDC. Tous les prédécesseurs de Joseph Kabila ayant fini tués ou renversés.
Le scrutin s’est joué entre trois hommes, qui se sont partagé plus de 97 % des voix. Le parti au pouvoir, le PPRD, avait désigné Emmanuel Ramazani Shadary pour ne pas faire de l’ombre à Kabila. Face à lui, les principaux partis de l’opposition avaient désigné un candidat commun, Martin Fayulu, qui a reçu le soutien des deux principaux opposants à Joseph Kabila, Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi, tous deux empêchés de se présenter. Mais Félix Tshisekedi, dirigeant du principal parti d’opposition, l’UDPS, et fils d’Etienne Tshisekedi, opposant historique mort en 2017, a rompu l’accord et annoncé sa propre candidature, désignant à l’avance comme son futur Premier ministre Vital Kamerhe, un ancien membre du parti de Kabila.
Des résultats contestés
« Le climat général a été relativement calme », s’est réjoui la Conférence épiscopale nationale du Congo après le vote, malgré la mort de quatre personnes dans la région du Sud-Kivu.
Après dix jours de dépouillement, la Commission électorale nationale indépendante (Céni) a déclaré Félix Tshisekedi vainqueur de ce scrutin en un seul tour, avec 38,57 % des voix, devant Martin Fayulu (34,8 %), et le candidat du parti au pouvoir, Emmanuel Ramazani Shadary (23,8 %). Martin Fayulu a immédiatement rejeté des résultats, affirmant avoir recueilli 61,5 % des suffrages contre 18,86 % pour Felix Tshisekedi et 18,49 % pour Emmanuel Ramazani Shadary.
« Tels que publiés par la Céni, les résultats ne correspondent pas aux données collectées par notre mission d’observation », a réagi l’Église catholique de RDC, seule à avoir déployé des observateurs, près de 40 000 pour surveiller 75 000 bureaux. L’Église n’a cependant pas dévoilé les résultats de son propre décompte et elle a « pris acte » des résultats proclamés par la Céni.
La France a également exprimé ses doutes sur le scrutin, par la bouche de ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
Un compromis en faveur de Kabila
Dans sa première déclaration comme président, Félix Tshisekedi a qualifié Kabila de « partenaire de l’alternance démocratique », ce qui en dit long sur un rapprochement de dernière minute entre les deux hommes. En revanche, une victoire de Martin Fayulu aurait été le pire scénario pour le pouvoir en place, car il était soutenu par Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba, les rivaux de Kabila.
Alors que des manifestations et des affrontements ont eu lieu entre des civils et la police dans plusieurs villes du pays, Martin Fayulu a annoncé qu’il déposerait une plainte devant la Cour constitutionnelle pour contester les résultats et exiger le recomptage des voix avec production des procès-verbaux des bureaux de vote devant des témoins, soutenu dans cette démarche par l’Église — même s’il sait que la Cour constitutionnelle est composée de partisans de Kabila.
La désignation de Félix Tshisekedi sonne donc comme une forme de compromis. En tout état de cause, Félix Tshisekedi devra composer avec l’armée et avec une Assemblée nationale dont on sait qu’elle sera dominée par le Front commun pour le Congo (FCC) du président sortant Joseph Kabila, qui par ailleurs n’a pas annoncé qu’il quittait la vie politique.
Un scrutin volé ?
Selon des fuites révélées par le Financial Times (grâce à des lanceurs d’alerte qui ont réussi à communiquer à la presse étrangère des résultats enregistrés par les 62 716 machines à voter), les vrais résultats seraient clairement en faveur de Martin Fayulu : d’après 86 % des votes enregistrés sur l’ensemble du pays, Martin Fayulu aurait obtenu 59,7 % des votes tandis que Felix Tshisekedi, alors qu’il avait été déclaré vainqueur par la Commission électorale avec 38,57 % des votes, n’aurait en réalité obtenu que 19 % des voix !
La rumeur veut que, jusqu’aux dernières heures avant la proclamation définitive des résultats, une femme membre de la commission des rapporteurs de la CENI (pour représente le MNLC de Jean-Pierre Mbemba, l’opposant interdit de candidature malgré son retour en RDC cet été) ait refusé de signer le procès-verbal final annonçant la victoire de Felix Tshisekedi, prétendant détenir la preuve de la victoire de Fayulu. Des pourparlers auraient eu lieu entre l’Ambassadeur Americain et la Ceni pour l’exfiltrer...