L’échec cuisant de Daewoo Logistics
À l’automne 2008, Daewoo Logistics, filiale matières premières du consortium coréen, signe avec le gouvernement malgache le plus gros contrat de location de terres de l’histoire. L’entreprise prévoit d'acquérir plus de 1,3 millions d’hectares, ce qui représente la moitié des terres arables de Madagascar, pour un bail de 30 ans. Ces terres seront majoritairement utilisées pour la production de maïs et d’huile de palme. En contrepartie, Daewoo Logistics crée 30 000 emplois dans le pays, conclut des accords de royalties avec le gouvernement malgache, et construit des infrastructures utiles au pays sur le long terme.
Toutefois, en mars 2009, le projet est mort et enterré. Plusieurs raisons expliquent cela : un coup d’état a renversé le gouvernement, les associations de protection de l’environnement et des droits des paysans ont exprimé leur rejet de l’accord, soutenues par les populations locales. Tout cela a mené le gouvernement de transition à déclarer l’accord comme anticonstitutionnel, et le contrat a été automatiquement considéré comme nul.
Le coût pour Daewoo Logistics a été énorme: concrètement, quelques millions de dollars, qui avaient été nécessaires pour mettre en place et conclure l’accord. Mais surtout plus de 600 millions de dollars de manque à gagner, une image de marque fortement écornée, et une action en chute libre.
Cet échec était-il évitable? Il n’y a pas de réponse certaine à cette question, mais l’on peut d’ores et déjà dire que Daewoo a commis une série d’erreurs, notamment du point de vue de l’intelligence économique. Le groupe n’a pas réellement cherché à comprendre l’environnement socio-politique de l’île, entre instabilité politique chronique et oppositions interethniques. De fait, les terres allouées étaient quasiment toutes occupées par l’ethnie Sakalave, pauvre et mise à l’écart par le président qui était issu de l’ethnie dominante Mérina. D’un point de vue historique, la période communiste, qui s’est étendue de 1975 à 1991, a vu les récoltes en partie réquisitionnées par le gouvernement, ce qui a marqué les populations paysannes locales et a engendré les velléités de contrôle de leurs propres terres, sur fond de déséquilibre alimentaire constant.
Daewoo n’a pas assez pris ses facteurs en compte: elle aurait pu réaliser plusieurs accords dans la durée à la place d’un accord concernant plus d’1 million d’hectares de terre, et aurait pu choisir des terres occupées aussi par les Mérinas. Elle a vraisemblablement estimé que les aspects géopolitiques et sociaux liés au projet ne faisaient pas partie de son domaine de compétence. Or l’intelligence économique bien réalisée permet d’étudier ces facteurs géopolitiques afin de se rendre compte du bien-fondé d’un accord ou d’un partenariat.
La réussite du consortium pour Ambatovy
Pendant l’échec de Daewoo, un consortium d’entreprises canadienne (Sherritt International), japonaise (Sumitomo Corporation) et coréenne (Kores Corporation) prenait le contrôle de la mine de nickel Ambatovy, et donnait le nom de cette mine au consortium nouvellement créé.
La stratégie d’implantation a très bien fonctionné car Ambatovy (le consortium) a mis en place plusieurs principes liés à l’intelligence économique. D’abord, d’un point de vue temporel, le consortium n’a lancé la phase de réalisation de son projet (donc l’exploitation de la mine) uniquement après avoir acquis la certitude d’avoir tous les éléments de compréhension de la situation géopolitique en main. Pour ce faire, il a fait appel à des linguistes, ethnologues et historiens afin de bien saisir le contexte politique, social et culturel du pays et d’essayer de prévoir les difficultés qu’il pourrait rencontrer dans la mise en place de l’accord.
Ambatovy a aussi cherché à s’implanter localement, en travaillant avec les autorités traditionnelles et les populations des villages impactés par le projet, et en proposant des contreparties subséquentes (par exemple le déplacement de deux villages qui étaient trop proches du site d’extraction).
Enfin, Ambatovy a inclus dans son projet des retombées non financières, comme la création d’un musée, et l’implication de partenaires économiques locaux. La création d’une route sur la côte, qui évite les cimetières sacrés présents sur les terres malgaches, a aussi participé au développement de la région.
Tout cela a mené Ambatovy à posséder aujourd’hui la mine de nickel la plus rentable du monde. Elle a pu mener à bien son accord par son étude détaillée des caractéristiques politiques, sociales et culturelles de Madagascar, et a ainsi obtenu l’accord des autorités des deux différents gouvernements ainsi que celui de la population locale. Cette étude relève en effet de l’intelligence économique: contrairement à Daewoo Logistics, Ambatovy a collecté de manière efficace les informations nécessaires pour mener à bien son projet dans un contexte géopolitique unique, et les a utilisées judicieusement dans sa prise de décision et dans la négociation du contrat.
À l’automne 2008, Daewoo Logistics, filiale matières premières du consortium coréen, signe avec le gouvernement malgache le plus gros contrat de location de terres de l’histoire. L’entreprise prévoit d'acquérir plus de 1,3 millions d’hectares, ce qui représente la moitié des terres arables de Madagascar, pour un bail de 30 ans. Ces terres seront majoritairement utilisées pour la production de maïs et d’huile de palme. En contrepartie, Daewoo Logistics crée 30 000 emplois dans le pays, conclut des accords de royalties avec le gouvernement malgache, et construit des infrastructures utiles au pays sur le long terme.
Toutefois, en mars 2009, le projet est mort et enterré. Plusieurs raisons expliquent cela : un coup d’état a renversé le gouvernement, les associations de protection de l’environnement et des droits des paysans ont exprimé leur rejet de l’accord, soutenues par les populations locales. Tout cela a mené le gouvernement de transition à déclarer l’accord comme anticonstitutionnel, et le contrat a été automatiquement considéré comme nul.
Le coût pour Daewoo Logistics a été énorme: concrètement, quelques millions de dollars, qui avaient été nécessaires pour mettre en place et conclure l’accord. Mais surtout plus de 600 millions de dollars de manque à gagner, une image de marque fortement écornée, et une action en chute libre.
Cet échec était-il évitable? Il n’y a pas de réponse certaine à cette question, mais l’on peut d’ores et déjà dire que Daewoo a commis une série d’erreurs, notamment du point de vue de l’intelligence économique. Le groupe n’a pas réellement cherché à comprendre l’environnement socio-politique de l’île, entre instabilité politique chronique et oppositions interethniques. De fait, les terres allouées étaient quasiment toutes occupées par l’ethnie Sakalave, pauvre et mise à l’écart par le président qui était issu de l’ethnie dominante Mérina. D’un point de vue historique, la période communiste, qui s’est étendue de 1975 à 1991, a vu les récoltes en partie réquisitionnées par le gouvernement, ce qui a marqué les populations paysannes locales et a engendré les velléités de contrôle de leurs propres terres, sur fond de déséquilibre alimentaire constant.
Daewoo n’a pas assez pris ses facteurs en compte: elle aurait pu réaliser plusieurs accords dans la durée à la place d’un accord concernant plus d’1 million d’hectares de terre, et aurait pu choisir des terres occupées aussi par les Mérinas. Elle a vraisemblablement estimé que les aspects géopolitiques et sociaux liés au projet ne faisaient pas partie de son domaine de compétence. Or l’intelligence économique bien réalisée permet d’étudier ces facteurs géopolitiques afin de se rendre compte du bien-fondé d’un accord ou d’un partenariat.
La réussite du consortium pour Ambatovy
Pendant l’échec de Daewoo, un consortium d’entreprises canadienne (Sherritt International), japonaise (Sumitomo Corporation) et coréenne (Kores Corporation) prenait le contrôle de la mine de nickel Ambatovy, et donnait le nom de cette mine au consortium nouvellement créé.
La stratégie d’implantation a très bien fonctionné car Ambatovy (le consortium) a mis en place plusieurs principes liés à l’intelligence économique. D’abord, d’un point de vue temporel, le consortium n’a lancé la phase de réalisation de son projet (donc l’exploitation de la mine) uniquement après avoir acquis la certitude d’avoir tous les éléments de compréhension de la situation géopolitique en main. Pour ce faire, il a fait appel à des linguistes, ethnologues et historiens afin de bien saisir le contexte politique, social et culturel du pays et d’essayer de prévoir les difficultés qu’il pourrait rencontrer dans la mise en place de l’accord.
Ambatovy a aussi cherché à s’implanter localement, en travaillant avec les autorités traditionnelles et les populations des villages impactés par le projet, et en proposant des contreparties subséquentes (par exemple le déplacement de deux villages qui étaient trop proches du site d’extraction).
Enfin, Ambatovy a inclus dans son projet des retombées non financières, comme la création d’un musée, et l’implication de partenaires économiques locaux. La création d’une route sur la côte, qui évite les cimetières sacrés présents sur les terres malgaches, a aussi participé au développement de la région.
Tout cela a mené Ambatovy à posséder aujourd’hui la mine de nickel la plus rentable du monde. Elle a pu mener à bien son accord par son étude détaillée des caractéristiques politiques, sociales et culturelles de Madagascar, et a ainsi obtenu l’accord des autorités des deux différents gouvernements ainsi que celui de la population locale. Cette étude relève en effet de l’intelligence économique: contrairement à Daewoo Logistics, Ambatovy a collecté de manière efficace les informations nécessaires pour mener à bien son projet dans un contexte géopolitique unique, et les a utilisées judicieusement dans sa prise de décision et dans la négociation du contrat.