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Vers une robotisation du Sahel ?




Publié par Pierre-Marie Meunier le 25 Janvier 2013

En préambule, des précisions sur la distinction drone/robot apportées par G. Blanchard, auteur d'un mémoire sur la 'robolution' maritime (terme né de la fusion entre robotique et révolution, NDR).

"Un robot est doté d'une intelligence artificielle lui permettant d'interagir avec son milieu. Cela signifie qu'il est en mesure de réagir face à un cas de figure non imaginé par le concepteur, car il apprend de son milieu. Il intègre des informations et est en mesure de les réutiliser. Par exemple dans le cas de robots fonctionnant en essaim, si le leader se fait détruire, un autre prend automatiquement le relais. Un essaim devra même pouvoir se scinder en 2 ou 3 sous-essaims, de manière à s'adapter à la mission. Alors qu'un drone est piloté à distance : il va exécuter un ensemble d'ordres qui lui ont été donné et il est ensuite mis sur une routine, c'est à dire sur une mission programmée. Un drone exécute de façon binaire les missions qui lui sont affectées : décoller/ tourner sur tel parcours / aller de tel point à tel point...Un robot se verra plutôt confier des missions, comme reconnaitre telle zone. De façon autonome, il va se déplacer, traquer, identifier mémoriser et prévenir, au fur et a mesure de sa mission. Ce pourra être aussi un robot accompagnateur qui suivra en permanence son "maitre" et réalisera les taches qui lui seront assignées en auto-apprenant le déroulé de la mission. Le général Yakovleff estime que 'le robot sera au combattant ce que le chien est à l'équipe cynophile'. Alors que le drone n'est ni plus ni moins qu'un prolongement technique des capacités d'un individu, une capacité a voire plus loin, une capacité à effectuer une tache de façon autonome, mais sous contrôle humain. Mais pour l'heure tout cela n'est que fantasme ou projet au mieux. Nous ne sommes pas encore suffisamment avancés pour avoir de tels robots. les travaux sont en cours mais nous devons encore finaliser la partie éthique, puis affiner la conception, une fois les défis techniques relevés."



La zone dans laquelle évoluent les groupes terroristes islamistes que nos forces traquent en ce moment au Mali, va de la Mauritanie au Soudan, pour une surface équivalente à 10 fois la superficie française. Contrôler cette zone au sol nécessiterait de recourir à des centaines de milliers d’hommes, en plus de moyens matériels inaccessibles pour la plupart des nations, même en coalition. Les affrontements en cours au Mali se déroulent conformément aux attentes : les groupes djihadistes abandonnent progressivement leurs positions et vont certainement se replier vers leurs zones refuges d’ici quelques jours à quelques semaines. A partir de ce moment nous ne serons plus en mesure de les traquer pour les neutraliser, pour la simple raison que la zone à couvrir est trop vaste.

 
Risquons-nous à un peu de prospective. La force de ces groupes djihadistes réside dans leur relative discrétion (quelques groupes de pick-up éparpillés dans le désert) et dans un sentiment de relative impunité, une fois qu’ils ont atteint des zones qu’ils considèrent comme les leurs. Cette impunité permet à ces groupes de se livrer à tous les trafics imaginables : drogues, armes, traites d’êtres humains…avec des profits leur permettant se tenir sur la durée, et de mener des actions comme celle d’In Amenas. Or nous avons les moyens techniques de mettre en péril ces activités terroristes et mafieuses : les drones et plus précisément les robots. Contrairement aux drones, le robot est doté d’un certain degré d'autonomie dans sa mission, degré dépendant de sa programmation. Bien que cela soit techniquement réalisable, il ne s’agit pas de lâcher des drones autonomes armés dans la nature et de transformer le Sahel en Kill Box. La question des drones autonomes ou robots se heurtent toujours à la problématique de la discrimination entre combattants et non-combattants. Pour l’instant, et c’est heureux, la décision de tir appartient toujours à une chaine hiérarchique humaine.

 
Pour autant, la robotisation du Sahel pourrait présenter des avantages. En disposant d’un maillage suffisamment serré de drones équipés de moyens ISR (optronique IL/IR, radar de surveillance terrestre, détection de signaux électromagnétiques…) nous pourrions en quelques mois tracer une cartographie précise du Sahel : axes logistiques, zones de ravitaillement, zones de stockage, mouvements de matériels et d’hommes…Cela reviendrait à disposer d’un réseau permanent de capteurs au dessus du Sahel, chose que ne peuvent pas faire des satellites d’observation par exemple. Les systèmes de drones actuels sont performants dans la traque de cibles terrestres, et ils sont déjà partiellement automatisés (pour les phases de décollage et d’atterrissage notamment). Mais ils ont deux défauts : leur autonomie est insuffisante (36 heures maximum pour un Global Hawk RQ-4) et leur coût d’utilisation est trop élevé (certaines sources évoquent le chiffre de 25000 $ à l’heure pour ce même RQ-4).

 
Une solution existe pour ces problèmes et, en remontant à il y a environ de deux siècles et demi, on pourrait même dire que cette solution est française ; l’aérostat, ou plus précisément le dirigeable. Il existe peu de références pour l’instant en la matière, même si les militaires commencent à s’y re-intéresser. Le LEMV (pour Long Endurance Multi-Intelligence Vehicle) de Northrop-Grumman est le prototype le plus avancé à ce jour, après l’annulation du TCOM Blue Devil. Il donne déjà une idée de ce que pourrait être les capacités de tels engins : avec une charge ISR, 3 semaines d’endurance à 6 km d’altitude, pour des milliers de kilomètres d’autonomie à un coût horaire dix à vingt fois moindre que les drones actuels. Une équipe réduite d’une trentaine de personne est en mesure d’assurer le déploiement et l’utilisation opérationnelle de 18 engins de ce type sans limite de temps. Ces engins restent assez lents (80 à 120 km/h maximum) et vulnérables, même protégés par des systèmes de contre-mesures. Néanmoins, compte tenu de l’armement des milices djihadistes au Sahel, cette vulnérabilité reste relative à 6 km d’altitude.

 
Ces engins n’en sont encore qu’au stade expérimental, mais leurs avantages commencent à faire leur chemin dans l’esprit des militaires. Disposer de tels engins autonomes au dessus du Sahel nous permettrait de récupérer à bon prix ce qui nous fait le plus défaut actuellement : des renseignements d’origine technique sur des groupes que nous n’avons pas la possibilité d’infiltrer.
 

LEMV lors de son premier vol en août 2012 (crédit : Northrop-Grumman)
LEMV lors de son premier vol en août 2012 (crédit : Northrop-Grumman)



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