La zone dans laquelle évoluent les groupes terroristes islamistes que nos forces traquent en ce moment au Mali, va de la Mauritanie au Soudan, pour une surface équivalente à 10 fois la superficie française. Contrôler cette zone au sol nécessiterait de recourir à des centaines de milliers d’hommes, en plus de moyens matériels inaccessibles pour la plupart des nations, même en coalition. Les affrontements en cours au Mali se déroulent conformément aux attentes : les groupes djihadistes abandonnent progressivement leurs positions et vont certainement se replier vers leurs zones refuges d’ici quelques jours à quelques semaines. A partir de ce moment nous ne serons plus en mesure de les traquer pour les neutraliser, pour la simple raison que la zone à couvrir est trop vaste.
Risquons-nous à un peu de prospective. La force de ces groupes djihadistes réside dans leur relative discrétion (quelques groupes de pick-up éparpillés dans le désert) et dans un sentiment de relative impunité, une fois qu’ils ont atteint des zones qu’ils considèrent comme les leurs. Cette impunité permet à ces groupes de se livrer à tous les trafics imaginables : drogues, armes, traites d’êtres humains…avec des profits leur permettant se tenir sur la durée, et de mener des actions comme celle d’In Amenas. Or nous avons les moyens techniques de mettre en péril ces activités terroristes et mafieuses : les drones et plus précisément les robots. Contrairement aux drones, le robot est doté d’un certain degré d'autonomie dans sa mission, degré dépendant de sa programmation. Bien que cela soit techniquement réalisable, il ne s’agit pas de lâcher des drones autonomes armés dans la nature et de transformer le Sahel en Kill Box. La question des drones autonomes ou robots se heurtent toujours à la problématique de la discrimination entre combattants et non-combattants. Pour l’instant, et c’est heureux, la décision de tir appartient toujours à une chaine hiérarchique humaine.
Pour autant, la robotisation du Sahel pourrait présenter des avantages. En disposant d’un maillage suffisamment serré de drones équipés de moyens ISR (optronique IL/IR, radar de surveillance terrestre, détection de signaux électromagnétiques…) nous pourrions en quelques mois tracer une cartographie précise du Sahel : axes logistiques, zones de ravitaillement, zones de stockage, mouvements de matériels et d’hommes…Cela reviendrait à disposer d’un réseau permanent de capteurs au dessus du Sahel, chose que ne peuvent pas faire des satellites d’observation par exemple. Les systèmes de drones actuels sont performants dans la traque de cibles terrestres, et ils sont déjà partiellement automatisés (pour les phases de décollage et d’atterrissage notamment). Mais ils ont deux défauts : leur autonomie est insuffisante (36 heures maximum pour un Global Hawk RQ-4) et leur coût d’utilisation est trop élevé (certaines sources évoquent le chiffre de 25000 $ à l’heure pour ce même RQ-4).
Une solution existe pour ces problèmes et, en remontant à il y a environ de deux siècles et demi, on pourrait même dire que cette solution est française ; l’aérostat, ou plus précisément le dirigeable. Il existe peu de références pour l’instant en la matière, même si les militaires commencent à s’y re-intéresser. Le LEMV (pour Long Endurance Multi-Intelligence Vehicle) de Northrop-Grumman est le prototype le plus avancé à ce jour, après l’annulation du TCOM Blue Devil. Il donne déjà une idée de ce que pourrait être les capacités de tels engins : avec une charge ISR, 3 semaines d’endurance à 6 km d’altitude, pour des milliers de kilomètres d’autonomie à un coût horaire dix à vingt fois moindre que les drones actuels. Une équipe réduite d’une trentaine de personne est en mesure d’assurer le déploiement et l’utilisation opérationnelle de 18 engins de ce type sans limite de temps. Ces engins restent assez lents (80 à 120 km/h maximum) et vulnérables, même protégés par des systèmes de contre-mesures. Néanmoins, compte tenu de l’armement des milices djihadistes au Sahel, cette vulnérabilité reste relative à 6 km d’altitude.
Ces engins n’en sont encore qu’au stade expérimental, mais leurs avantages commencent à faire leur chemin dans l’esprit des militaires. Disposer de tels engins autonomes au dessus du Sahel nous permettrait de récupérer à bon prix ce qui nous fait le plus défaut actuellement : des renseignements d’origine technique sur des groupes que nous n’avons pas la possibilité d’infiltrer.
