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Mais où va le Qatar ?




Publié par La Rédaction le 27 Septembre 2013

Le Qatar s'est fait remarquer ces dernières années par ses multiples interventions dans les affaires politiques, diplomatiques et économiques aux quatre coins du globe. Ces actions apparemment motivées par de nobles raisons sont plébiscitées par certains dirigeants. Les agissements de l'émirat paraissent toutefois trop ambitieux, parfois même inquiétants, aux yeux de nombreux stratèges. Et ils n'ont pas forcément tort.



Doha, capitale du Qatar
Doha, capitale du Qatar
Un « soft-power » multidimensionnel

À peine indépendant, le Qatar mène au milieu des années 70 une révolution inédite, propulsant le petit émirat de seulement 11 586 au-devant de l'échiquier politique mondial. Les changements portaient sur presque tous les aspects du modèle économique, financier, militaire et diplomatique de la monarchie. Traditionnellement très fermé au monde extérieur, surtout à l'Occident, le pays se lance dans une vaste opération de « modernisation », sur fond de libéralisation du commerce extérieur et de coopérations multinationales. Cette ouverture vise avant tout à pérenniser les activités économiques du pays, essentiellement basées sur l'exploitation de gaz naturel et de pétrole.

En nouant des partenariats stratégiques et durables avec les débouchés occidentaux – les États-Unis et l'Europe notamment —, le Qatar sécurise d'importantes sources de revenus sur la durée. Rien d'étonnant donc si le pays affiche le plus haut PIB par habitant au monde, 98 144 USD en 2011, et exhibe fièrement ses richesses à travers ses gratte-ciels, luxueux centres commerciaux et constructions pharaoniques en tout genre.

Toutefois, l'émirat sait pertinemment que s'appuyer sur les seules ressources de l'énergie n'est pas une solution viable au long terme. Aussi importantes soient ses réserves de gaz et de pétrole, elles finiront un jour ou une autre par s'épuiser. Le pays s'efforce dès lors de diversifier son portefeuille d'activités, en particulier à partir des années 2000. À coup acquisitions, de fusions et de prises de participation, le Qatar possède des intérêts dans l'art, le sport, la finance, l'agroalimentaire, les médias et bien d'autres domaines. Cette omniprésence renforce à n'en pas douter l'influence du Qatar sur la géopolitique régionale et mondiale.

Un intermédiaire ou un intervenant ?

Jouant sur sa puissance financière et ses relations commerciales, l'émirat du Golfe Persique multiplie les médiations au Moyen-Orient et dans le reste du monde. Le Qatar révèle à tous ses talents de négociateur et l'efficacité de sa diplomatie du chéquier en 2007, dans l'affaire des infirmières bulgares en Libye. Le pays joue le rôle de médiateur dans la poudrière du Moyen et Proche-Orient depuis toujours. Au plus fort des tensions israélo-palestiniennes, la monarchie des cheikhs Al-Thani prend l'initiative de nouer des relations commerciales avec Israël en 1995, initiative inimaginable dans les autres pays du Golfe. Au-delà de considérations financières, ce geste donne à l'émirat un argument de poids dans les négociations de pays entre la Palestine et Israël.

Ailleurs, le pays a officiellement encouragé la discussion sur les questions syriennes, libyennes et tunisiennes, avant l'éclatement du printemps arabe en 2011... Récemment, les dirigeants qatariens ont même accepté l'ouverture d'une représentation des Talibans afghans à Doha, en prévision d'une éventuelle reprise de leurs pourparlers avec les États-Unis. Membre important du Conseil de Coopération du Golfe, une organisation à très forte composante sunnite, le Qatar entretient des relations diplomatiques correctes avec des nations majoritairement chiites comme l'Iran, le Liban et l'Irak.

À force d'agir partout et presque tout le temps, le Qatar finit par agacer certains de ses partenaires, jugeant ses positions des plus ambivalentes. Beaucoup reprochent également à l'émirat ses tentatives d'ingérence à peine voilée dans les affaires de certains pays. Entre les livraisons d'armes aux rebelles syriens, les financements des mouvements salafistes dans le Sahel, le soutien du parti Ennahda en Tunisie ou encore l'appui officiel à l'Autorité palestinienne, les agissements de l'émir dépassent parfois le seul cadre de la médiation.

Le poids des impératifs géographiques et culturels

En y regardant de plus près, les actions du Qatar obéissent aux mêmes contraintes auxquelles se soumettent toutes les grandes puissances avérées ou en devenir. L'émirat recherche avant tout à survivre dans un monde en perpétuelle évolution. Pauvre en ressources agroalimentaires et incapables de se défendre militairement face aux puissants voisins saoudiens et iraniens, le pays assoit son avenir sur les multiples alliances qu'il a nouées. Ses achats de terrains agricoles en Asie et en Afrique font partie d'un vaste plan visant à sécuriser ses approvisionnements alimentaires et s'affranchir ainsi des importations européennes ou russes. Le pays accueille déjà sur son territoire la plus grande base de l'Armée américaine en dehors des États-Unis, le complexe al-Udeid.

Quid des opérations financières menées aux quatre coins du globe ? Ces transactions servent le prestige du Qatar à l'étranger, même si leur véritable objectif est d'étendre au maximum l'empreinte de la monarchie sur tous les plans. On soupçonne par ailleurs l'émirat de vouloir user de son statut pour internationaliser l'Islam wahhabite et ses cultures. Avec sa chaîne d'information Al-Jazeera, son ultrapuissant bras financier – le Qatar Investment Authority – et ses leviers de pression pétrole/gaz, le Qatar a toutes les cartes en main pour devenir une puissance diplomatique et culturelle de premier rang d'ici quelques années.



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