Quels buts pour l'intervention Française au Mali : dynamique des forces et solutions possibles.
Depuis le 11 janvier dernier, la France, dans le cadre de l'opération dénommée Serval, intervient au Mali pour "aider" le gouvernement de Bamako à lutter contre les envahisseurs venus du Nord, ce qui signifie en pratique qu'elle vient suppléer l'armée Malienne, qui s'était totalement effondrée.
Mais quel est le but exact de cette intervention ?
On a commencé par nous dire qu'il s'agissait d'empêcher que Bamako ne "tombe" aux mains des islamistes, et tout le Mali avec elle. Certes, les colonnes armées auraient atteint la ville, mais peut-on "tenir" une agglomération de 3 millions d'habitants avec deux ou trois mille combattants ? Peut-être, mais heureusement nous n'aurons pas à répondre à cette question. Ce qui est certain, c'est que des centaines, peut-être des milliers, d'occidentaux dont une grande majorité de Français, se seraient retrouvés otages de ces forces. Et Bamako n'est pas Kolwezi...
On nous a dit aussi qu'il s'agissait de former l'armée Malienne, pour l'aider dans sa lutte. Il semble que nos amis États-Uniens aient déjà dépensé des centaines de millions de dollars à cet effet, on voit avec quel résultat. Même si il est vrai que ce sont principalement des Touaregs, passés depuis dans l'autre camp, qui ont été formés.
Puis, dans une longue interview donnée sur France 5 le 20 janvier dernier, le Ministre de la Défense, Monsieur Le Drian, nous a indiqué qu'il s'agissait en fait de "restaurer l'unité du Mali" et d' "éradiquer le terrorisme" dans la zone, donc dans tout le Sahara/Sahel.
On voit que les buts de guerre, puisqu'il s'agit bien de cela, se sont considérablement étendus. Il faut donc s'interroger sur la pertinence de ces buts au regard de la situation.
Certes, on peut être certain que nos forces sortiront victorieuses de tout affrontement armé. Au-delà même de leur courage et de leur compétence, et sans pour autant dénigrer celles de leurs adversaires, il suffit de prendre en compte la valeur des différents équipements, satellites, avions de combat, drones et blindés d'un côté, pick-ups armés de l'autre, pour voir que le rapport de forces est au moins de l'ordre de 1 à 1.000. Mais l'histoire nous a suffisamment appris que l'on peut gagner toutes les batailles (Algérie, Viêtnam côté US, Afghanistan peut-être demain), et finir par perdre la guerre.
Pour mettre fin au suspens, et c'est l'objet des présentes, nous pensons que s'il est possible d'apaiser la région du Sahara/Sahel (nous préférons le terme d'apaisement à celui de pacification qui, s'il contient la même racine latine pax, est très fortement connoté...), ceci ne pourra peut-être se faire qu'au détriment de l'autre, qui est la restauration de l'intégrité territoriale du Mali, du moins si on entend la consécration du pouvoir du sud sur le nord.
Mais avant de préciser notre pensée, il faut essayer de préciser la dynamique des forces.
1) Dynamique des forces
Tout d'abord précisons que cette première partie a été rédigée dans le cadre d'une discussion privée au mois de mai dernier, et est ici reprise quasiment en l'état. L'analyse faite alors nous semble avoir été validée par le déroulement des évènements survenus depuis.
Dans les sujets qui nous occupent, on considère les masses, humaines et géographiques, et le temps long.
Quand on parle de masses humaines, on envisage forcément les systèmes d’organisation sociale. Dans la région que nous considérons, on peut percevoir une dynamique permanente entre trois systèmes d’organisation sociale qui se superposent et s’opposent, sans doute en Afrique plus qu’ailleurs :
- L’état nation, tel qu’il existe en Europe depuis le début du 19ème siècle, avec son accessoire, spécialité française, qui est la science (et la technique) administrative.
- L’Islam, en tant que concept totalisant, c'est-à-dire qui tend à prendre en compte tous les aspects de la vie humaine. Les Islams pourrait-on dire, tant la diversité, au moins au plan politique est grande. Je mets de côté la question religieuse, qui est individuelle, voire intime, mais n’a d’importance pour ce qui nous occupe qu’autant qu’elle s’exprime dans le politique.
- La diversité des cultures africaines, voire la question tribale, la tribu étant considérée comme une organisation de plus ou moins grande extension géographique, qui permet à ses membres d’assurer la satisfaction des besoins essentiels (sécurité, nourriture, unions matrimoniales) dans un cadre dont la principale vertu est d’avoir été fixé par les ancêtres.
Il est évident que ces systèmes d’organisation sociale sont aussi des structures de pouvoir. Comme il est très rare que les forces qui dirigent l’une de ces structures soient communes aux autres, la promotion d’un système d’organisation sociale est aussi celle des structures de pouvoir, donc de ceux qui les maitrisent. Il y a forcément risque de conflit.
Ce jeu est très frappant dans le cadre du Soudan, un peu éloigné de notre centre d'intérêt, mais qui peut servir de paradigme :
À l’origine est la diversité des cultures africaines. Puis arrive l’Islam, qui tend à unifier, imparfaitement une partie de la population, et s’impose pour des raisons culturelles, commerciales, politiques et militaires. Vient le colonisateur qui, en bon anglais se contente de figer et organiser les oppositions : divide and rule. Les élites occidentalisées tentent ensuite de créer un état sur le modèle qu’on leur a enseigné, oscillant entre les grands modèles occidentaux, communisme, capitalisme... Mais les conditions nécessaires au succès de l’état moderne ne sont pas réunies : il faudrait un fédéralisme helvétique et les vertus qui vont avec. Ce système ayant échoué, restent les deux autres. L’Islam permet au moins de conserver une certaine unité, fut-ce au prix du Sud. Sinon retour à la case tribale, comme c’est le cas en Somalie. Mais la Somalie ne dispose pas des richesses naturelles qui permettent à l’autorité centrale de perdurer. Le pouvoir civilo-militaire utilise donc l’Islam pour légitimer son pouvoir. Mais même si l’Islam sert de légitimation, il a sa propre logique, qui impose, surtout compte tenu des influences extérieures à caractère fondamentaliste, un certain nombre de comportements essentiellement répréhensibles au regard du droit international.
Par suite de l’échec du Soudan en tant qu’état, le jeu s’étend. Nous reviendrons sur ce point.
Les conditions étant comparables dans les états du Sahara/Sahel l’extension de l’islamisme est possible, avec toutefois quelques restrictions. L’Islam est présent en Afrique depuis des centaines d’années. Il ne semble donc pas y avoir de conflit réel entre les modes d’organisation traditionnels de la société et l’Islam, les deux s’étant fondus harmonieusement au fil des siècles. Par ailleurs, même si cela est moins vrai dans la partie vraiment sahélienne des états, les états d’Afrique de l’Ouest ont connu le système administratif français (on se moque de nos énarques, mais la science administrative française est reconnue au plan international) qui reste accepté tout simplement parce qu’il est efficace. Les trois systèmes semblent donc à peu près compatibles, un exemple, hors Sahel, étant le Sénégal. Pour que le conflit naisse, il faut un déséquilibre intérieur ou extérieur. Le déséquilibre intérieur vient de ce que l’état est assimilé par les modes de gestion traditionnels, qui sont ainsi amplifiés au delà de ce qui est acceptable, au travers de l’accaparement de richesses ou la corruption. Non seulement l’état ne fonctionne plus, mais il est source de plus de misère. L’état aurait pu peut-être s’affirmer mais :
- d’une part au plan politique il est remis en cause comme un legs du colonialisme ; c’est une des conséquences du tiers-mondisme.
- d’autre part il est pris dans un cercle vicieux : moins il fonctionne, plus il est contesté par les structures traditionnelles d’organisation du pouvoir, donc moins il fonctionne, donc plus il est contesté, etc...
Le déséquilibre extérieur vient de l’influence d’un Islam différent soutenu par les états du Golfe, promu par la force et par l’argent, que certains sont prêts à adopter comme un moyen d’accéder au pouvoir, donc de maitriser les richesses. Les mêmes causes ayant les mêmes effets, cet Islam de détache de l’Islam africain intégré, en ce qu’il est fondamentaliste. C’est inévitable car il doit se détacher fortement de cet Islam qui, lui, est à peu près compatible avec l’état d’une part, et les structures sociales africaines d’autre part. Viennent se surajouter les différents trafics, spécialement de stupéfiants, et les masses colossales d'argent qu'ils génèrent.
Revenons sur l’extension du jeu.
Le Soudan est le paradigme la dynamique évoquée. Mais pourquoi cette dynamique s’étend-elle ?
On peut penser à l’influence d'Al-Qaïda, au jeu trouble du régime de Kadhafi et aux conséquences de sa chute. Ce sont bien des causes, mais à notre sens des causes circonstancielles, pas fondamentales. La crise des états du Sahara/Sahel, est pour nous une condition nécessaire de l’extension, pas une cause, même si le vide crée forcément une aspiration.
Alors quelle cause ?
Il y en a certainement d’autres, mais il nous semble que cette dynamique d’une part retrouve le chemin de l’extension de l’Islam en Afrique, et surtout, d’autre part, qu’elle reprend les habits de la lutte des “Arabes” contre les “Noirs” : les Arabes soudanais contre les Noirs animistes ou les Fours ; les Touaregs au Mali ou au Niger contre les Noirs du sud, les Arabes mauritaniens contre les Toucouleurs, d’origine sénégalaise et vus comme des “Noirs”. Et il y d’autres exemples. L’islam fondamentaliste s’empare des revendications de ces peuples qui se voient comme doublement opprimés, par leurs compatriotes du sud, qui gèrent et encaissent au nom de l’état les richesses qui se trouvent au nord, et par l’Occident, vu comme complice et qui refuse de prendre en compte leurs revendications au plan international.
Dans ces conditions est-ce que les réseaux islamistes apparaissent si morcelés ? Oui car les populations qui les hébergent sont elles-mêmes assez variées. Oui si l’on considère, comme au Mali, que les objectifs des fondamentalistes ne sont pas les mêmes que ceux des populations qui les soutiennent ; le cas du Mali est exemplaire : le MNLA s’est arrêté aux frontières de ce qu’il estime être l’Azawad, alors qu’Ansar Eddin voudrait pousser jusqu’à la mer. Non si l’on prend en compte la dynamique et les conséquences d’un succès.
Cette situation constitue effectivement un risque sécuritaire majeur pour l’Occident, si cette vision de l’Islam, portée par ces peuples, vient à s’imposer au reste de l’Islam africain. On risquerait alors une intensification très substantielle du terrorisme, qui pourrait nous contraindre à des interventions dont nous n’avons peut-être plus les moyens.
Il est difficile de dire comment les états occidentaux tentent actuellement de relever ce défi. Si la dynamique est bien telle que décrite, on voit ce qu’ils pourraient faire. Puisque les états sahéliens sont en crise, il est illusoire de s’’appuyer sur eux pour combattre l’islamisme. On peut s’adresser directement aux peuples rebelles. Mais en dehors du risque de se retrouver régulièrement en face de combattants islamistes, il est certain que ce qui reste des états va dénoncer une ingérence manifeste, avec d’autant plus de force que les rebelles réclament l’autonomie, voire l’indépendance, et que les richesses naturelles sont chez eux.
On peut alors imaginer une action en trois faisceaux convergents :
- faire suffisamment de gesticulations militaires ou autres pour rassurer les populations non rebelles et contenir l’expansion islamiste ;
- exposer clairement aux états le risque mortels qu’ils encourent, et donc la nécessité absolue de négocier ;
- négocier auprès des états et avec les rebelles, en leur faisant comprendre que si ils continuent de soutenir les terroristes ils risquent, in fine, de se retrouver en face à face direct avec les forces des puissances occidentales, et qu’en tout état de cause ils gagneront bien plus à négocier.
2) Application pour des solutions au Mali
Des trois axes présentés ci-dessus, le premier est mis en œuvre avec certitude. Il ne semble pas y avoir d'information quant à la position diplomatique de la France à l'égard du Mali sur la question d'éventuelles négociations, et encore moins sur de tout aussi éventuelles négociations directes ou indirectes avec les rebelles. Toutefois, cette question devra se poser un jour ou l'autre, et sans doute assez rapidement.
En effet, dans la plupart des analyses qu'on lit ou qu'on entend sur les opérations au Mali, le Nord-Mali semble être traité comme un vaste désert où seraient posées quelques agglomérations reliées par de longues lignes droites, entre lesquels les rebelles seraient condamnés à errer, pour finir par être foudroyés par notre feu venu du ciel... C'est oublier, et cet oubli, volontaire pour l'essentiel, est sans doute le nœud de la politique française d'abord, puis des états depuis les indépendances, que ce vaste territoire est peuplé de ces gens que l'on appelle les Touaregs.
Ce peuple, réparti sur cinq des états de la région (Mali, Niger, Burkina Faso, Algérie et Lybie, cette simple énumération fait frissonner...) compterait au moins 3 millions de personnes sur un territoire grand comme au moins trois fois la superficie de la France. Il serait un peu long de relater ici l'histoire du peuple Touareg, mais on peut rappeler que, depuis les premières incursions occidentales armées il y a plus de 130 ans, l'histoire de ce peuple est essentiellement l'histoire de ses révoltes. Celle menée par Kaosen en 1916, par exemple, que l'on a oubliée presque totalement, et dont on ne parlerait plus si elle n'avait causé la mort du Père Charles de Foucaud, les révoltes de 1963, des années 1970 qui a vu se développer le mouvement des Ishumars (mot créé à partir du français "chômeur"...), de 1990. À chaque fois, révolte contre le pouvoir, colonial d'abord, puis Malien ensuite, chaque fois réprimée dans le sang, et qui chaque fois conduit un peu plus à la désagrégation du tissu social.
Ces révoltes ont bien évidemment été récupérées par les puissances voisines. On peut en donner deux exemples.
Kadhafi, dans les années 70 et le début des années 80, a attiré auprès de lui de nombreux Touaregs, en leur proposant de les aider à obtenir la libération de leur peuple. Ce que les Ishumars ont appelé "troquer le sang contre le savoir", le savoir militaire s'entend. De très nombreux Touaregs ont été ainsi formés, nombre sont restés même après avoir compris que les promesses de Kadhafi seraient vaines. Beaucoup de ceux-ci sont partis après la chute du dictateur Libyen, avec armes (surtout) et bagages.
Deuxième exemple : le mouvement Ansar Eddin a été fondé par un ancien rebelle Touareg, ancien soldat de Kadhafi, Iyad ag Ghali, rallié au pouvoir de Bamako, nommé par le Président Amadou Toumani Touré, conseiller consulaire à Djedda en Arabie Saoudite, où il aurait beaucoup fréquenté les fondamentalistes, et, sans doute au tournant des années 1990, probablement "retourné" par le renseignement militaire Algérien. Ce dernier point peut surprendre, mais un peu moins si l'on considère deux éléments parmi d'autres. Tout d'abord, la presse gouvernementale algérienne a critiqué l'intervention française dans les premiers jours, arguant que cela ruinait la trêve négociée par Alger entre le MNLA (les rebelles Touaregs "traditionnels", non islamistes) et Ansar Eddin. Par ailleurs, à peine la prise d'otage d'In Amenas réglée comme l'on sait, Ansar Eddin a proclamé à qui voulait bien l'entendre, qu'il se séparait du terrorisme, et qu'il demandait que s'ouvrent des négociations. Il semble que certains dans les services algériens, qui avaient joué avec le feu, se sont brûlés les doigts et ont dû aussi prendre des coups de règle...
Sans oublier aussi que bien évidemment, pendant que Kadhafi essayait d'enrôler les Touaregs, le pouvoir algérien n'était pas en reste, cherchant sans doute à contrer son turbulent voisin.
On le voit, depuis des dizaines d'années, la population, le peuple Touareg pour autant qu'il existe après tous ces découpages, est un enjeu des puissances régionales, pas pour lui-même, mais parce qu'il est la clé de la maîtrise de ces territoires. Et c'est sur ce terrain, fertile parce qu'alimenté par la pauvreté, l'humiliation, les massacres et les déplacements forcés de population que se sont développées ces nouvelles menaces que sont le terrorisme islamique et les narco-trafics.
On voit immédiatement la cause de l'échec des politiques destinées à contrer ces menaces : on sait où est la clé, mais, pour des raisons historiques, ethniques, politiques... on la traite par le mépris. Pas étonnant donc que d'autres s'en emparent.
Certes nos forces sont actuellement accueillies au Mali avec des démonstrations de joie, ce qui n'est pas très étonnant puisqu'il s'agit de populations Bambaras au sud, puis Songays jusqu'à Tombouctou, qui est la limite sud de l'aire Touareg. Mais on peut imaginer que l'accueil se refroidira au fur et à mesure de la progression vers le nord, oscillant entre indifférence froide et hostilité déclarée.
C'est là qu'il deviendra important de traiter la question de manière politique et non militaire, en faisant rentrer dans le jeu des interlocuteurs qui soient de vrais représentants de la population Touareg, travail devenu difficile compte tenu de l'éclatement de la société Touareg. Ceci y compris contre la volonté du pouvoir de Bamako, à qui il faudra sans doute forcer la main. Certes ce pouvoir se serait écroulé sans nous, mais en même temps, il sait que nous étions obligés d'intervenir, et que nous ne voudrions pas repartir sous les huées de ceux qui nous ont si bien accueillis.
À défaut ? Une guerre qui va sans doute s'éterniser, des forces africaines qui, incapables de saisir un ennemi insaisissable, vont, comme toujours en pareil cas, se retourner contre les populations civile, interventions des milices, comme les Ganda Koy, "Les maîtres de la terre" en songhaï, qui se sont par le passé rendues coupables de massacres contre les populations civiles Touaregs, peut-être un embrasement général de la région. Et évidemment crimes de guerre et crimes contre l'humanité, dont la France ne doit pas, et ne voudra pas être complice. Nos forces devront donc partir vite, pour revenir sans doute, mais nous n'aurons ni restauré l'intégrité territoriale du Mali, ni éradiqué le terrorisme dans la région, bien au contraire. Donc une fois de plus nous aurons gagné toutes les batailles, mais perdu la guerre.
Un dernier mot. Il sera intéressant d'observer l'attitude des forces tchadiennes. Le Tchad, à l'exception de son extrême sud, est dominé par des populations que l'on appelle Goranes, ou Toubous, mais qui se désignent elles-mêmes comme Teda au nord et Daza au sud, et qui forment une unité linguistique et culturelle. Cette population occupe un territoire de plus d'un million trois cent mille kilomètres carrés, et déborde largement sur le Niger et la Lybie. La France a, comme pour les Touaregs, essayé de les dominer, sans succès net, probablement parce que la société "Toubou", à la différence de la société Touareg n'est absolument pas hiérarchisée. Et à la différence des Touaregs, les Toubous, après nombre péripéties et drames, dont en particulier une guerre entre la France et la Libye de Kadhafi (Opération Manta en 1983-84), ont pris le pouvoir. Mais tant les modes de vie traditionnels, élevage nomade, que la religion, un Islam très modéré, ou la société où la femme tient une place prépondérante, tout rapproche ces deux sociétés qui ne sont séparées que par l'aridité absolue du désert du Ténéré, sans eau sur des centaines de kilomètres. Nous n'avons pas d'informations personnelles sur la composition des forces tchadiennes, mais il semble qu'elles comportent nombre de proches du Président Idriss Déby, puisque l'un des chefs est son fils, le général Mahamat Idriss Déby Itno. Idriss Déby n'est pas à proprement parlé un "Toubou" mais un Zaghawa, une ethnie voisine et alliée, dont le mode de vie est proche. Et si l'on veut bien prendre en compte le fait que le dit Idriss Déby vient d'épouser la (jeune) fille de son vieil ami Moussa Hilal, le chef présumé des milices janjawids, on peut imaginer que, s'ils doivent prendre parti, les tchadiens choisiront plutôt le camp des nomades que celui des sédentaires.