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Le secteur français de la défense en 2013 : état des lieux




Publié par La Rédaction le 5 Décembre 2013

La parution du Livre Blanc de la Défense et de la Sécurité Nationale (LBDSN) a lourdement raisonné aux oreilles des industriels français de l’armement. Permettant de sauver l’essentiel, le futur budget d’équipements de la défense se limite à ne condamner personne à la faillite. Certains industriels s’en tirent malgré tout mieux que d’autres.



Un budget constant, donc en baisse

(Crédit : MINDEF/EMA)
(Crédit : MINDEF/EMA)
Le budget global des armées, déterminé par la loi de programmation militaire qui a fait suite à la parution du LBDSN, fixe le plafond à 190 milliards d’euros sur six ans, dont plus de six milliards de recettes exceptionnelles par nature incertaines (surtout compte tenu de l’expérience du MINDEF en la matière). En étant de plus désindexé de l’inflation, le budget chute donc, pour tomber en 2015 à environ 1,5% du PIB, un plus bas historique. Une source anonyme du Ministère résume très bien la situation : « ce n'est pas parce qu'on a évité le pire budgétaire que nous n'aurons pas à faire les pires efforts ». D’autant plus que dans ce budget, tout n’est pas destiné aux achats d’équipements (le fameux titre V). Loin de là : le seul titre II (la masse salariale) ponctionne déjà environ un tiers du total, auquel il faut encore retrancher la part du nucléaire (environ 20%). Au final, la ligne budgétaire « Équipements des forces », le programme 146, ne représente même pas un tiers des montants globaux.

S’adapter pour survivre : nouveaux marchés et nouveaux produits, concentration contre diversification

(Crédit : eurosatory2014.com)
(Crédit : eurosatory2014.com)
Au-delà des conglomérats technologiques que sont Thalès, Safran ou EADS, les acteurs aux chiffres d’affaires plus modestes sont contraints d’adapter leur stratégie. Fournisseurs directs de produits parfois moins emblématiques que les chars ou les porte-avions, ou simples sous-traitants d’industriels de la défense, la France compte nombre d’ETI également concernées par ces « ajustements » budgétaires. Ils imposent surtout au secteur de rester créatif et innovant, quitte à prendre des risques en anticipant sur les besoin. La société CNIM, qui réalise déjà des éléments du réacteur ITER, des composants des tubes lance-missiles nucléaires M-51, des centrales énergétiques et même des drones, via sa filiale Bertin Technologies, a ainsi réussi à séduire les armées malgré les pressions sur les budgets d’équipements. La Marine nationale met désormais en œuvre les EDA-R, aussi appelé L-Cat ou Landing Catamaran par le fabricant. Aux côtés de l’EDA-R pour la Marine, CNIM produit un autre système innovant retenu cette fois par l’armée de terre : le SPRAT, engin du génie dédié au franchissement de coupures. CNIM mise sur des produits innovants ultraspécialisés et sur la diversification de ses activités pour passer outre les épreuves des restrictions budgétaires.
 
Panhard, récemment rachetée par Renault Trucks Defense (RTD), poursuit une stratégie différente par rapport à celle de CNIM, en se concentrant, elle, sur son cœur de métier : les véhicules blindés de faible tonnage. Panhard a fait le choix de la spécialisation sur ce créneau particulier compte tenu de sa difficulté à concurrencer les acteurs majeurs du domaine des blindés comme Nexter en France. Mais Panhard s’est aussi lancé sur le marché des véhicules de secours tout-terrain, à l’image de ce que tente RTD avec le Sherpa. S’attendant à plusieurs années difficiles, RTD tente de s’immiscer sur le marché civil des véhicules de franchissement extrêmes. L’enseigne peut compter pour cela sur les excellents résultats de ses véhicules dans les épreuves de rallye. Compte tenu des difficultés d’importation, le marché de ce type de véhicule ne comporte pour l’instant qu’un seul acteur, General Motors, qui décline son Humvee en version civile au compte-goutte. Une manière comme une autre d’écouler des stocks. Car compte tenu de la  diminution drastique du volume de troupes projeté en OPEX depuis 10 ans, les industries de l’armement terrestre en particulier font grise mine.

Le secteur de l’armement terrestre reste fragile

(Crédit : MINDEF/EMA)
(Crédit : MINDEF/EMA)
Nexter Systems peut certes compter sur la poursuite des commandes de VBCI à destination de l’armée de terre (77 exemplaires devraient être livrés en 2014), et sur l’éventualité d’une commande au Canada, dans le cadre du programme Close Combat Vehicle. Mais RTD ne voit pas l’avenir sereinement. La filiale de Volvo participe pourtant à la construction de la partie châssis du VBCI. Mais les incertitudes sur ses futurs partenariats, dans le contexte d’un programme Scorpion sans cesse repoussé aux calendes grecques, laisse augurer un avenir sombre : son PDG Bernard Amiel n’a pas hésité à parler d’une « vraie traversée du désert » et de « cinq années blanches » devant les parlementaires. Le fabricant historique du VAB, bête de somme de l’armée de terre française depuis plus de 30 ans, mise énormément sur son contrat de remplacement par le Véhicule Blindés Multi-Rôle (VBMR), dont les commandes prévisionnelles se montent à 2300 exemplaires. Comme dans tout programme d’armement majeur, il est plus que probable que le chiffre final ne représente que la moitié de la cible initiale. Mais même dans ces conditions, il serait une véritable bouffée d’oxygène pour le secteur, en plus de répondre à une nécessité opérationnelle des armées.

Des commandes navales et aéronautiques (un peu) préservées

(Crédit : MINDEF/EMM)
(Crédit : MINDEF/EMM)
2012 a été une année record en termes de faiblesses des exportations d’armements : à peine 4,8 milliards d’euros, soit le plus faible niveau depuis 2006, mais pas encore assez pour faire quitter à la France le top 5 des exportateurs d’armes. 2013 devrait voir l’horizon se déboucher un peu de ce côté, avec notamment les contrats saoudiens et émiratis. C’est là la concrétisation de stratégies entamées il y a longtemps par certains : chercher dans les contrats exports le relais de croissance susceptible de pallier l’absence de commandes nationales. La marine et l’armée de l’air ne sont pas les plus touchées par les réformes mais tout est histoire de proportion : si l’armée de l’air sauve (et EADS) les programmes A400M et ravitailleurs MRTT, elle voit sa force de frappe descendre inexorablement vers un maximum de 200 avions de combat. Pour Dassault, qui attend avec fébrilité la signature du contrat indien et entretient un deuxième (et troisième) tison au feu concernant le Qatar (et aussi le Brésil), le salut viendra nécessairement de l’étranger. Pour EADS, la diversification des activités est telle que la division Airbus Military à elle seul ne fera pas plonger le groupe, tiré par le succès d’Airbus en gamme civile. La Marine peut compter sur la poursuite du programme FREMM et Barracuda, en plus du rétrofit des ATL-2, mais sans véritable garantie à long terme.

Le vice-président de la Commission européenne et commissaire chargé de l’industrie et de l’entrepreneuriat, Antonio Tajani, a déclaré récemment que « le secteur de la défense européen et sa base industrielle, qui pâtit de l’absence de nouveaux programmes, font face à des défis sérieux. Une action européenne concertée est nécessaire si nous voulons que l’Europe préserve les capacités industrielles qui permettront de répondre à nos besoins militaires futurs et donc d’assurer la crédibilité de notre politique de sécurité et de défense commune ». Diplomatiquement, c’est le déclassement militaire de l’Europe qui est tout de même annoncé de manière feutrée.



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