Éric Denécé, le CF2R publie, Renseignement et espionnage de la Renaissance à la Révolution (XVe - XVIIIe siècles), aux éditions Ellipses. Comment décririez-vous le chemin parcouru durant la période citée ?
Ce que montre ce second volume de l’Histoire mondiale du renseignement, c’est que dans le domaine de l’espionnage, les Temps modernes ne sont pas en rupture avec l’Antiquité et le Moyen-Age. Fonction permanente au service du pouvoir, le renseignement accompagne la formation de l’État moderne. Royaumes, principautés, républiques marchandes, cités… emploient tous des espions, mais à l’exception de Venise, ils n’ont pas encore de véritables « services » spécialisés et permanents, couvrant la sécurité interne, le contre- espionnage, le renseignement extérieur, la cryptographie et les interventions clandestines (assassinats, sabotages, subversion). Toutefois, la période qui s’étend du XVIe au XVIIIe siècle permet d’observer leur structuration progressive.
Selon vous, quelles sont les évolutions et ruptures qui caractérisent cette période et l’évolution du renseignement ?
En premier lieu, la fin du XVe siècle voit la naissance de l’imprimerie – seconde révolution de l’information après l’invention de l’écriture – qui transforme le rapport aux savoirs et à la connaissance. Puis la naissance du protestantisme provoque dans toute l’Europe des clivages religieux profonds et des guerres de religion.
Cette période de remise en cause du dogme catholique et d’insécurité généralisée impose la mise en place d’une surveillance étroite de la population, pour y distinguer le croyant de « l’hérétique », et s’assurer du contrôle des esprits.
Les grands conflits « internationaux » de la période (guerre de Trente Ans, guerres de Succession d’Espagne et d’Autriche, guerre de Sept Ans, guerre d’indépendance américaine, guerres de la Révolution française) renforcent la nécessité du renseignement militaire et du contre- espionnage.
De plus, au cours de cette période, les grandes découvertes entraînent également de nouvelles rivalités politiques et commerciales entre États pour la conquête et la défense de nouveaux espaces et de leurs richesses, multipliant les besoins en renseignement. L’essor de l’activité marchande entraîne celui de l’activité bancaire et toutes deux génèrent d’importants besoins de renseignements.
Prêtant aux États, les banquiers doivent être parfaitement informés de l’évolution politique et du potentiel économique de leurs emprunteurs ; spéculant sur les monnaies et sur les marchandises, ils doivent prévoir les événements pouvant influer sur leurs cours. Enfin, au milieu du XVIIIe siècle, la première révolution industrielle qui prend naissance en Angleterre déclenche une nouvelle compétition qui se caractérise par l’accroissement de l’espionnage technologique.
Le renseignement a-t-il gagné ses lettres de noblesse à partir de cette époque ?
Non pas encore. Cela reste largement un métier peu considéré. Si les activités de renseignement connaissent un développement significatif au cours de la période, les services qui prennent forme en Europe à l’époque moderne ne sont toutefois pas comparables à ceux que nous connaissons aujourd’hui. Ce sont souvent des réseaux ad hoc liés un homme, des organisations momentanées créées pour un objet particulier.
Surtout, réseaux et structures sont généralement secrets et n’ont guère laissé de traces dans les archives, d’où parfois la difficulté à les déceler, les appréhender et à les décrire. En effet, l’exercice du pouvoir s’entoure alors d’une aura de secret et tout ce qui en relève ne doit être divulgué hors du milieu restreint du prince et de ses conseillers, seuls aptes à en connaître.
Le rapport des « princes » qui nous gouvernent avec le Renseignement a-t-il finalement beaucoup changé ?
Par certains aspects, non. Cela reste un attribut du pouvoir, un instrument discrétionnaire pour faire aboutir une politique. Mais par d’autres oui, car à l’époque le renseignement n’est pas encore véritablement un organe officiel de l’État. Cette activité échappe largement à la connaissance, à la critique et au contrôle des contemporains, d’autant que les règles démocratiques n’existent pas encore et que les médias ne jouent encore aucun rôle influent.
Ce que montre ce second volume de l’Histoire mondiale du renseignement, c’est que dans le domaine de l’espionnage, les Temps modernes ne sont pas en rupture avec l’Antiquité et le Moyen-Age. Fonction permanente au service du pouvoir, le renseignement accompagne la formation de l’État moderne. Royaumes, principautés, républiques marchandes, cités… emploient tous des espions, mais à l’exception de Venise, ils n’ont pas encore de véritables « services » spécialisés et permanents, couvrant la sécurité interne, le contre- espionnage, le renseignement extérieur, la cryptographie et les interventions clandestines (assassinats, sabotages, subversion). Toutefois, la période qui s’étend du XVIe au XVIIIe siècle permet d’observer leur structuration progressive.
Selon vous, quelles sont les évolutions et ruptures qui caractérisent cette période et l’évolution du renseignement ?
En premier lieu, la fin du XVe siècle voit la naissance de l’imprimerie – seconde révolution de l’information après l’invention de l’écriture – qui transforme le rapport aux savoirs et à la connaissance. Puis la naissance du protestantisme provoque dans toute l’Europe des clivages religieux profonds et des guerres de religion.
Cette période de remise en cause du dogme catholique et d’insécurité généralisée impose la mise en place d’une surveillance étroite de la population, pour y distinguer le croyant de « l’hérétique », et s’assurer du contrôle des esprits.
Les grands conflits « internationaux » de la période (guerre de Trente Ans, guerres de Succession d’Espagne et d’Autriche, guerre de Sept Ans, guerre d’indépendance américaine, guerres de la Révolution française) renforcent la nécessité du renseignement militaire et du contre- espionnage.
De plus, au cours de cette période, les grandes découvertes entraînent également de nouvelles rivalités politiques et commerciales entre États pour la conquête et la défense de nouveaux espaces et de leurs richesses, multipliant les besoins en renseignement. L’essor de l’activité marchande entraîne celui de l’activité bancaire et toutes deux génèrent d’importants besoins de renseignements.
Prêtant aux États, les banquiers doivent être parfaitement informés de l’évolution politique et du potentiel économique de leurs emprunteurs ; spéculant sur les monnaies et sur les marchandises, ils doivent prévoir les événements pouvant influer sur leurs cours. Enfin, au milieu du XVIIIe siècle, la première révolution industrielle qui prend naissance en Angleterre déclenche une nouvelle compétition qui se caractérise par l’accroissement de l’espionnage technologique.
Le renseignement a-t-il gagné ses lettres de noblesse à partir de cette époque ?
Non pas encore. Cela reste largement un métier peu considéré. Si les activités de renseignement connaissent un développement significatif au cours de la période, les services qui prennent forme en Europe à l’époque moderne ne sont toutefois pas comparables à ceux que nous connaissons aujourd’hui. Ce sont souvent des réseaux ad hoc liés un homme, des organisations momentanées créées pour un objet particulier.
Surtout, réseaux et structures sont généralement secrets et n’ont guère laissé de traces dans les archives, d’où parfois la difficulté à les déceler, les appréhender et à les décrire. En effet, l’exercice du pouvoir s’entoure alors d’une aura de secret et tout ce qui en relève ne doit être divulgué hors du milieu restreint du prince et de ses conseillers, seuls aptes à en connaître.
Le rapport des « princes » qui nous gouvernent avec le Renseignement a-t-il finalement beaucoup changé ?
Par certains aspects, non. Cela reste un attribut du pouvoir, un instrument discrétionnaire pour faire aboutir une politique. Mais par d’autres oui, car à l’époque le renseignement n’est pas encore véritablement un organe officiel de l’État. Cette activité échappe largement à la connaissance, à la critique et au contrôle des contemporains, d’autant que les règles démocratiques n’existent pas encore et que les médias ne jouent encore aucun rôle influent.