Corvettes lance-missiles dans le port de Sebastopol. La Flotte de la Mer Noire conserve une importance capitale pour Moscou. (Licence Creative Commons.org)
La Crimée n’est pas le Kosovo, c’est une lapalissade. Les contextes historiques de deux régions sont très différents : derniers soubresauts du délitement de l’ex-Yougoslavie d’un côté, réminiscences d’une révolution orange inachevée de l’autre. Mais il ne faut pas chasser la comparaison au seul prétexte qu’elle est invoquée par Poutine, et serait donc uniquement destinée à asseoir la propagande russe. Dans les deux cas, il y a un petit arrière-goût de guerre froide. Car s’il existe bien un point commun à ces deux « crises », c’est la présence de la Russie, en arrière-plan et en arrière-pensées.
L’intervention de l’OTAN au Kosovo (sans mandat de l’ONU) avait pour but de mettre fin aux affrontements, dans la province du Kosovo, entre une communauté albanaise devenue majoritaire, mais ignorée du pouvoir, et une minorité serbe pouvant compter sur l’appui de l’armée de Belgrade. Mais il était aussi question alors d’affaiblir le régime de Milosevic, et avec lui la Serbie historiquement alliée à Moscou (et aussi anciennement à la France d’ailleurs).
Lorsque le Kosovo déclare unilatéralement son indépendance en 2008, la France et les États-Unis s’empressent de reconnaitre le nouvel état. Bien que décrétée sans aucun référendum, cette indépendance sera déclarée légale par la Cour Internationale de Justice en 2010, sur saisie de la Russie. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes venait de heurter de plein fouet l’intangibilité des frontières voulue depuis la fin de la guerre froide.
Peu de temps après cette indépendance imposée, la Russie teste la détermination occidentale sur cette question en Géorgie et comprend, ou confirme, le fait que le Caucase n’intéresse pas autant les occidentaux que les Balkans. Si depuis 1990, la volonté occidentale est de grignoter toujours un peu plus la sphère d’influence russe, la Russie conserve, elle, la volonté d’accéder aux mers chaudes. Malgré la candidature de la Géorgie à l’OTAN, cette dernière met très peu d’empressement à accéder à ses requêtes : trop près de la Russie, trop loin des bases arrière d’Europe, le dossier géorgien est encore trop « chaud » pour envisager une intégration pleine et entière.
La Crimée présente donc bien quelques analogies avec le Kosovo : la population majoritaire souhaite prendre en main son destin, dans un contexte de grande incertitude sur la légitimité du pouvoir de Kiev. Sauf que contrairement au Kosovo, l’indépendance de la Crimée, et à brève échéance son rattachement à la Russie, vont dans le sens des intérêts de la Russie. Et c’est ce point qui contrarie les Occidentaux. Peu importe les Tatars ou les Russophones que l’immense majorité des Occidentaux a découvert il y a quelques semaines. Ce qui compte c'est de ne surtout pas favoriser le retour d’une Russie forte sur la scène internationale. Peu importe donc que les droits accordés aux Kosovars-Albanais soient refusés aux Russes de Crimée. Pour les capitales occidentales il faut avant tout aider cette Ukraine future, dont nous ne savons encore rien, mais qui peut potentiellement bloquer les velléités d’extension de l’influence russe à l’Ouest.
Inconsciemment, les médias occidentaux se font l’écho de cette manœuvre de realpolitik : dénonçant la propagande russe sans jamais l’interroger (ou uniquement dans ce qu’elle a de plus caricaturale), ils participent à celle de l’Ouest : en questionnant presque exclusivement les opposants à l’indépendance de la Crimée, ils orientent l’information dans un sens sans rapport avec la réalité sur le terrain. On ne se souvient pas qu’une telle faveur ait été accordée aux Serbes du Kosovo. Mais contrairement à la Russie, l’Occident à la mémoire courte.
Nous aurons donc assisté à ce moment où les plus grandes démocraties du monde ont décrété qu’un vote populaire prenant des allures de plébiscite ne pouvait être ni légal, ni légitime. Il est vrai qu’en l’absence d’observateurs internationaux, nous ne connaissons pas les conditions dans lesquelles se sont déroulés ce vote et son dépouillement. Mais les capitales européennes feraient mieux de se concentrer sur Kiev : plus que la légalité de l’indépendance de la Crimée, la légitimité du nouveau pouvoir est sujette à caution. Les Ukrainiens ont par ailleurs toutes les raisons de se méfier : après les intégristes et les seigneurs de guerre en Libye, qui sait ce que BHL amènera comme catastrophe en Ukraine ?
L’intervention de l’OTAN au Kosovo (sans mandat de l’ONU) avait pour but de mettre fin aux affrontements, dans la province du Kosovo, entre une communauté albanaise devenue majoritaire, mais ignorée du pouvoir, et une minorité serbe pouvant compter sur l’appui de l’armée de Belgrade. Mais il était aussi question alors d’affaiblir le régime de Milosevic, et avec lui la Serbie historiquement alliée à Moscou (et aussi anciennement à la France d’ailleurs).
Lorsque le Kosovo déclare unilatéralement son indépendance en 2008, la France et les États-Unis s’empressent de reconnaitre le nouvel état. Bien que décrétée sans aucun référendum, cette indépendance sera déclarée légale par la Cour Internationale de Justice en 2010, sur saisie de la Russie. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes venait de heurter de plein fouet l’intangibilité des frontières voulue depuis la fin de la guerre froide.
Peu de temps après cette indépendance imposée, la Russie teste la détermination occidentale sur cette question en Géorgie et comprend, ou confirme, le fait que le Caucase n’intéresse pas autant les occidentaux que les Balkans. Si depuis 1990, la volonté occidentale est de grignoter toujours un peu plus la sphère d’influence russe, la Russie conserve, elle, la volonté d’accéder aux mers chaudes. Malgré la candidature de la Géorgie à l’OTAN, cette dernière met très peu d’empressement à accéder à ses requêtes : trop près de la Russie, trop loin des bases arrière d’Europe, le dossier géorgien est encore trop « chaud » pour envisager une intégration pleine et entière.
La Crimée présente donc bien quelques analogies avec le Kosovo : la population majoritaire souhaite prendre en main son destin, dans un contexte de grande incertitude sur la légitimité du pouvoir de Kiev. Sauf que contrairement au Kosovo, l’indépendance de la Crimée, et à brève échéance son rattachement à la Russie, vont dans le sens des intérêts de la Russie. Et c’est ce point qui contrarie les Occidentaux. Peu importe les Tatars ou les Russophones que l’immense majorité des Occidentaux a découvert il y a quelques semaines. Ce qui compte c'est de ne surtout pas favoriser le retour d’une Russie forte sur la scène internationale. Peu importe donc que les droits accordés aux Kosovars-Albanais soient refusés aux Russes de Crimée. Pour les capitales occidentales il faut avant tout aider cette Ukraine future, dont nous ne savons encore rien, mais qui peut potentiellement bloquer les velléités d’extension de l’influence russe à l’Ouest.
Inconsciemment, les médias occidentaux se font l’écho de cette manœuvre de realpolitik : dénonçant la propagande russe sans jamais l’interroger (ou uniquement dans ce qu’elle a de plus caricaturale), ils participent à celle de l’Ouest : en questionnant presque exclusivement les opposants à l’indépendance de la Crimée, ils orientent l’information dans un sens sans rapport avec la réalité sur le terrain. On ne se souvient pas qu’une telle faveur ait été accordée aux Serbes du Kosovo. Mais contrairement à la Russie, l’Occident à la mémoire courte.
Nous aurons donc assisté à ce moment où les plus grandes démocraties du monde ont décrété qu’un vote populaire prenant des allures de plébiscite ne pouvait être ni légal, ni légitime. Il est vrai qu’en l’absence d’observateurs internationaux, nous ne connaissons pas les conditions dans lesquelles se sont déroulés ce vote et son dépouillement. Mais les capitales européennes feraient mieux de se concentrer sur Kiev : plus que la légalité de l’indépendance de la Crimée, la légitimité du nouveau pouvoir est sujette à caution. Les Ukrainiens ont par ailleurs toutes les raisons de se méfier : après les intégristes et les seigneurs de guerre en Libye, qui sait ce que BHL amènera comme catastrophe en Ukraine ?