Allons-nous vers une intelligence économique artificielle ?

L’exemple de la start-up fintech française spécialiste du « nowcasting » QuantCube est éloquent. Son cofondateur et président Thanh-Long Huynh le résume ainsi : QuantCube Technologie « fait de l’intelligence économique à partir de l’analyse du Big Data ». La spécificité et la force de cette technologie réside dans l’exploitation massive de données macro-économiques en permanence : elle analyse ainsi chaque seconde elle analyse par l’intelligence artificielles des données alternatives, provenant des réseaux sociaux, des satellites, des radars de géolocalisation de bateaux, d’avions etc… Le but ? Prédire l’activité économique future et délivrer des informations actualisées sur la croissance économique, l’inflation, l’emploi ou le commerce internationale, non pas selon des tendances historiques et des cycles passés, mais sur l’analyse en temps réel de multiples données, pour accompagner des investisseurs discrétionnaires, systématiques, des fonds souverains, des entités gouvernementales ou des entreprises. Ces prévisions permettent ensuite aux institutions financières et aux fonds d’investissements d’ajuster leur portfolio d’investissement en fonction de la dynamique d’activité de certains pays ou certaines industries.

L’importance du rôle que l’intelligence artificielle dans la révolution de l’intelligence économique se comprend à la lumière de la dernière levée de fond réalisée par QuantCube. En décembre 2022, ce sont les Émirats Arabes Unis, via leur Strategic Development Fund (SDF) – branche d’investissement du fonds souverain Tawazun Economic Council – qui sont devenu un investisseur stratégique de QuantCube. Rappelons que les Émirats Arabes Unis accorde une place particulièrement importante à l’intelligence artificielle, en témoigne la création en 2017 d’un Ministre de l’Intelligence Artificielle. Celui-ci avait d’ailleurs déclaré à l’époque : « L’intelligence artificielle est la prochaine révolution de notre époque, notre but est d’être un des pays les plus avancés en la matière ». Ainsi, cet investissement important dans cette entreprise liant intelligence économique et intelligence artificielle souligne les challenges et opportunités que la combinaison des deux créent.
 

L’intelligence artificielle peut devenir un outil puissant au service de l’intelligence économique, qu’il s’agisse de la collecte, du traitement, de l’analyse ou de la diffusion d’informations. L’outil conversationnel ChatGPT est en ce sens un instrument particulièrement pertinent dans la recherche d’information en source ouverte, du fait notamment de sa maitrise d’une centaine de langages différents, ce qui lui permet l’accès et l’analyse d’un nombre décuplé de données. Il faut toutefois noter sa limite, puisque pour l’instant la base de données de ChatGPT est limitée à 2021. L’intelligence artificielle et ses programmes peuvent aussi remplacer l’humain sur l’analyse de données des réseaux sociaux ou du web, qui sont des tâches particulièrement chronophages : ce travail de traitement et d’analyse des données est un réel atout dans le cadre de la veille. Plus encore, l’intelligence artificielle, du fait de sa capacité prédictive, peut projeter l’activité de n’importe quelle entreprise, et devenir ainsi particulièrement précieuse dans le cadre de l’intelligence économique, mais aussi cibler les personnes à cibler en tant que sources d’informations pertinentes ou atouts clés dans le cadre d’une communication d’influence. L’intelligence artificielle peut enfin être un outil au service de la protection de l’information, grâce à des codages de plus en plus complexes. En ce sens, l’intelligence artificielle représente de nombreuses opportunités pour développer des avantages stratégiques dans le cadre de l’intelligence économique.  

Toutefois, l’exemple de ChatGPT incarne les limites de l’intelligence artificielle : celles-ci dépendent des limites, des données, des ordres donnés par l’homme. Si les consignes données sont pas assez claires, le risque est d’obtenir un résultat biaisé au mieux, ou que le processus réalisé ne respecte pas certaines règles – comme le RGPD par exemple – au pire. Plus encore, à l’instar de la polémique autour du produit Copilot, l’intelligence artificielle vient poser la question de la propriété intellectuelle, mais aussi celle de la fuite des données et des risques d’espionnage industriel qui pourraient en découler.
 
 
En conclusion, si l’intelligence artificielle est précieuse pour l’évolution de l’intelligence économique, comme en témoigne la fintech QuantCube, et offre de nombreuses opportunités à saisir, les limites et les risques restent importants, d’autant plus du flou juridique qui demeure autour de la régulation de l’usage de l’intelligence artificielle, sans compter le risque réputationnel dans le cas d’un usage risqué.