Un bras de fer interminable
Après un exercice 2011 fastidieux, Renault est vite rattrapé par la conjoncture l'année suivante. Les premiers signes d'un effondrement apparaissent dès le 1er trimestre 2012, au cours duquel les ventes du groupe au losange chutent de 11,9 %. Puis viennent les résultats du second trimestre, encore plus alarmants. À ce moment précis, les dirigeants du constructeur craignent le pire et étudient toutes les options envisageables pour se sortir de cette situation délicate. Le mot « crise » revient de plus en plus dans leurs arguments, un terme qui évoque forcément des mesures drastiques pour les salariés. Les épisodes douloureux de 1997 restent encore très présents dans leur mémoire. Les réactions des employés vis-à-vis d'un possible projet de licenciement ou de plan social annoncé par Renault en juin 2012 ne se font pas attendre. À peine dévoilé, le programme en question essuie les critiques des principaux syndicats, à commencer par la très puissante FO, épaulée par la CFE-CGC et la CGT. Commencent alors neuf mois de négociations, de pressions, voire même de joutes verbales entre les cadres de la firme, les commissaires d'État – l'actionnaire majoritaire — d'un côté, et les différents organes de représentation du salariat, de l'autre. La signature d'un compromis en mars 2013 met fin au long bras de fer mettant aux prises Renault et ses salariés.
Que dit l'accord ?
La lecture finale de l'accord montre plusieurs concessions faites par les deux camps. On ne sait pas comment ils en sont arrivés là, l'essentiel c'est de comprendre ce que représente cette entente pour les salariés de la firme au losange, l'industrie automobile française et l'économie en général. D'où l'intérêt de s'y pencher de plus près. Concrètement, l'accord de compétitivité de Renault tourne autour de six points majeurs. Comme l'ont martelé les principaux syndicats des salariés, aucune usine du constructeur ne sera fermée d'ici 2016. La marque s'engage même à maintenir un niveau de production élevé, soit 710 000 voitures assemblées chaque année en France, dont 630 000 modèles Renault. À l'horizon 2020, ce plancher devrait être relevé à 820 000 exemplaires.
En contrepartie du maintien en fonction de toutes les usines du constructeur, les salariés acceptent de geler leur salaire en 2013. Le troisième point confirme la poursuite de la décrue des effectifs, l'objectif principal étant d'alléger de 15 % le personnel du groupe d'ici 2016. La réduction de l'effectif ne se fera pas par voie de licenciement ; les deux parties ont préféré miser sur les départs naturels – au nombre de 5 700 entre 2013 et 2016 – et sur la dispense d'activité de certains profils, une exception qui touche environ 1800 salariés sur la même période. Ces départs engendreraient une économie de 400 millions d'euros, selon les estimations officielles.
Autre pilier de l'accord, la mobilité des salariés entre les sites sera facilitée. Les dirigeants pourront organiser des transferts de mains d'œuvres entre les usines du constructeur afin d'harmoniser le rythme de production de tous les sites. Seuls les employés volontaires seront concernés par cette mesure. Le cinquième point impose les 35 heures de travail effectif à tous les salariés du groupe. Cette disposition n'a jamais été respectée à la lettre par certains ouvriers. Des usines perdront en conséquence quelques jours de RTT après l'instauration de cette nouvelle norme. Le dernier point concerne uniquement le directeur général de Renault, Carlos Ghosn : en attendant l'éclaircie de la situation, il promet de renoncer à près d'un tiers de la part variable de ses émoluments en 2013.
À qui profite cette entente ?
Le maintien en activité de tous les sites constitue une bonne nouvelle pour l'industrie automobile de l'Hexagone. Mettre en avant ce premier point occulterait toutefois un certain nombre de contreparties plus ou moins désavantageuses pour les employés, dont le gel des salaires, l'adoption d'un rythme de production soutenu et l'accroissement des heures de travail. Autrement dit, les salariés Renault doivent accélérer leur cadence et travailler plus, pour le même salaire, pendant une période encore indéterminée. Le tout, avec un effectif toujours réduit presque à tous les niveaux de la chaîne de production. Autre ambiguïté signalée par les critiques, l'accord ne précise pas la date d'échéance des efforts demandés aux salariés, exception faite des salaires. Un bien bel imbroglio, sachant que les engagements du constructeur arrivent à terme vers 2020. Aucune clause ne précise les pénalités infligées à l'entreprise en cas de non-respect de ses obligations. Renault semble de fait libre de prendre toutes les dispositions nécessaires pour préserver sa compétitivité, une fois le délai de validité du pacte dépassé. Tout changement ou projet concernant de près ou de loin l'emploi se heurterait toutefois aux regards toujours bienveillants des syndicats. La marque au losange se retrouvera encore une fois devant un défi de taille : soit, elle accepte de jouer les mécènes industriels et sauver des milliers d'emplois, soit, elle sacrifie une partie de son effectif pour nettoyer ses comptes.
Après un exercice 2011 fastidieux, Renault est vite rattrapé par la conjoncture l'année suivante. Les premiers signes d'un effondrement apparaissent dès le 1er trimestre 2012, au cours duquel les ventes du groupe au losange chutent de 11,9 %. Puis viennent les résultats du second trimestre, encore plus alarmants. À ce moment précis, les dirigeants du constructeur craignent le pire et étudient toutes les options envisageables pour se sortir de cette situation délicate. Le mot « crise » revient de plus en plus dans leurs arguments, un terme qui évoque forcément des mesures drastiques pour les salariés. Les épisodes douloureux de 1997 restent encore très présents dans leur mémoire. Les réactions des employés vis-à-vis d'un possible projet de licenciement ou de plan social annoncé par Renault en juin 2012 ne se font pas attendre. À peine dévoilé, le programme en question essuie les critiques des principaux syndicats, à commencer par la très puissante FO, épaulée par la CFE-CGC et la CGT. Commencent alors neuf mois de négociations, de pressions, voire même de joutes verbales entre les cadres de la firme, les commissaires d'État – l'actionnaire majoritaire — d'un côté, et les différents organes de représentation du salariat, de l'autre. La signature d'un compromis en mars 2013 met fin au long bras de fer mettant aux prises Renault et ses salariés.
Que dit l'accord ?
La lecture finale de l'accord montre plusieurs concessions faites par les deux camps. On ne sait pas comment ils en sont arrivés là, l'essentiel c'est de comprendre ce que représente cette entente pour les salariés de la firme au losange, l'industrie automobile française et l'économie en général. D'où l'intérêt de s'y pencher de plus près. Concrètement, l'accord de compétitivité de Renault tourne autour de six points majeurs. Comme l'ont martelé les principaux syndicats des salariés, aucune usine du constructeur ne sera fermée d'ici 2016. La marque s'engage même à maintenir un niveau de production élevé, soit 710 000 voitures assemblées chaque année en France, dont 630 000 modèles Renault. À l'horizon 2020, ce plancher devrait être relevé à 820 000 exemplaires.
En contrepartie du maintien en fonction de toutes les usines du constructeur, les salariés acceptent de geler leur salaire en 2013. Le troisième point confirme la poursuite de la décrue des effectifs, l'objectif principal étant d'alléger de 15 % le personnel du groupe d'ici 2016. La réduction de l'effectif ne se fera pas par voie de licenciement ; les deux parties ont préféré miser sur les départs naturels – au nombre de 5 700 entre 2013 et 2016 – et sur la dispense d'activité de certains profils, une exception qui touche environ 1800 salariés sur la même période. Ces départs engendreraient une économie de 400 millions d'euros, selon les estimations officielles.
Autre pilier de l'accord, la mobilité des salariés entre les sites sera facilitée. Les dirigeants pourront organiser des transferts de mains d'œuvres entre les usines du constructeur afin d'harmoniser le rythme de production de tous les sites. Seuls les employés volontaires seront concernés par cette mesure. Le cinquième point impose les 35 heures de travail effectif à tous les salariés du groupe. Cette disposition n'a jamais été respectée à la lettre par certains ouvriers. Des usines perdront en conséquence quelques jours de RTT après l'instauration de cette nouvelle norme. Le dernier point concerne uniquement le directeur général de Renault, Carlos Ghosn : en attendant l'éclaircie de la situation, il promet de renoncer à près d'un tiers de la part variable de ses émoluments en 2013.
À qui profite cette entente ?
Le maintien en activité de tous les sites constitue une bonne nouvelle pour l'industrie automobile de l'Hexagone. Mettre en avant ce premier point occulterait toutefois un certain nombre de contreparties plus ou moins désavantageuses pour les employés, dont le gel des salaires, l'adoption d'un rythme de production soutenu et l'accroissement des heures de travail. Autrement dit, les salariés Renault doivent accélérer leur cadence et travailler plus, pour le même salaire, pendant une période encore indéterminée. Le tout, avec un effectif toujours réduit presque à tous les niveaux de la chaîne de production. Autre ambiguïté signalée par les critiques, l'accord ne précise pas la date d'échéance des efforts demandés aux salariés, exception faite des salaires. Un bien bel imbroglio, sachant que les engagements du constructeur arrivent à terme vers 2020. Aucune clause ne précise les pénalités infligées à l'entreprise en cas de non-respect de ses obligations. Renault semble de fait libre de prendre toutes les dispositions nécessaires pour préserver sa compétitivité, une fois le délai de validité du pacte dépassé. Tout changement ou projet concernant de près ou de loin l'emploi se heurterait toutefois aux regards toujours bienveillants des syndicats. La marque au losange se retrouvera encore une fois devant un défi de taille : soit, elle accepte de jouer les mécènes industriels et sauver des milliers d'emplois, soit, elle sacrifie une partie de son effectif pour nettoyer ses comptes.