PME et ETI sont-elles plus agiles que les grands groupes ?



Publié par La Rédaction le 6 Septembre 2013

Les PME comme les ETI possèdent nombre de vulnérabilités principalement liées à leur taille. Loin du « too big to fail » dont peuvent seulement se vanter quelques multinationales brassant des dizaines de milliards de chiffre d’affaires, elles possèdent néanmoins des caractéristiques qui leur permettent de survivre dans un univers fondé sur les rapports de force économique.



Réactivité, souplesse, fluidité, autant de qualités que l’on peut regrouper sous le vocable « d’agilité », une notion souvent plus propre aux PME et ETI qu’aux grands groupes. La leçon est connue depuis les premiers rapports sociaux entre êtres humains : lorsqu’on n’est pas le plus fort, il faut être ou le plus rusé, ou le plus rapide. En termes économiques, la « force » peut s’apparenter à la puissance marketing, aux capacités d’influence, aux réseaux de lobbying, mais aussi aux capacités d’investissement et de crédit auprès des banques. Pour les PME, et même les ETI, il est souvent difficile de contrebalancer cette « force » et de se poser en alternative crédible dans le cadre, par exemple, d’un appel d’offre.

Pour compenser cette apparente faiblesse, ces entreprises de dimensions plus modestes doivent innover, à la fois en termes de produits et de procédés de production, mais aussi en termes de fonctionnement et d’organisation : elles doivent faire preuve « d’agilité ». L’agilité peut ainsi être stratégique, fonctionnelle ou opérationnelle. Donald Sull, Professeur à la London Business School, définit des agilités de trois ordres : l’agilité stratégique, fonctionnelle et opérationnelle. « L’agilité stratégique est la capacité de l’entreprise à « repérer les occasions d’affaires susceptibles de changer la donne ». L’agilité fonctionnelle consiste à pouvoir « transférer bien et vite des ressources – y compris des capitaux, des compétences et du temps – consacrées à des activités moins intéressantes vers des activités commerciales plus prometteuses ». L’agilité opérationnelle se réfère à la mise en œuvre des « forces réquisitionnées pour atteindre le nouvel objectif » ».

Une PME ou une ETI sera tournée vers le développement de ses activités et n’hésitera pas à se séparer d’actifs en difficulté, ou au contraire à vendre des actifs sains pour financer sa spécialisation. Lorsque le groupe Oberthur vend Oberthur Technologies (cartes à puce) en 2011 à un fond d’investissement américain, l’entité nouvelle, Oberthur Fiduciaire, dispose d’un milliard d’euros supplémentaires pour financer son développement international dans le secteur très spécialisé de l’émission monétaire. Fort d’une certaine agilité fonctionnelle, le groupe a ainsi fait preuve d’agilité stratégique en se spécialisant sur ce créneau spécifique. Un choix qui fait aujourd’hui d’Oberthur l’une des trois premières entreprises mondiales d’impression de billets.

Suivant une logique similaire, et bien consciente que sa taille modeste (330 employés pour environ 100 millions d’euros de chiffre d’affaires) ne lui permet pas de rivaliser avec les leaders européens du secteur, la société Panhard a fait le choix de la spécialisation sur un créneau très spécifique : les véhicules blindés légers de haute mobilité. L’entreprise s’est réorganisée en profondeur pour occuper pleinement ce créneau, notamment via la fusion en 2005 avec Auverland. L’agilité de l’entreprise Panhard tient dans sa réactivité vis-à-vis des attentes de ses clients. Désormais nommée Panhard General Defense, l’entreprise a comme stratégie permanente de devancer les besoins de ses clients, en proposant des produits innovants et inédits. C’est ce qu’elle a fait avec le VBL, succès mondial vendu dans plusieurs dizaines de pays. C’est ce qu’elle continue de faire avec le CRAB, en se positionnant avec des années d’avance sur le contrat du Véhicule Blindé d’Aide à l’Engagement (VBAE), futur programme d’acquisition de l’armée de terre française. Cette stratégie d’innovation permanente a permis à l’entreprise de se placer en position de force lors des premières restructurations du marché de la défense terrestre.

Contrairement à une majorité d’entreprises de grande taille, les PME et ETI peuvent être plus réactives, plus disponibles, et offrir une relation client plus incarnée et plus individualisée. Les PME sont conscientes de la valeur d’un client et des soins qu’il faut apporter à la relation qu’elles entretiennent avec lui. Disposant de chaînes décisionnelles plus courtes, avec des dirigeants qui disposent plus rapidement et plus facilement de l’information essentielle : dans bien des cas elles sont plus réactives, car le client, quel qu’il soit, a facilement accès aux échelons décisionnels.

Ce n’est pas forcément le cas au sein des grands groupes, plus enclins à une gestion « administrative » de clients nombreux et souvent anonymes, à l’exception des plus importants. Des groupes tels EDF, premier producteur mondial d’électricité, ne sont plus en mesure de fournir des relations clients de qualité du fait d’une bureaucratisation grandissante, et un recours systématique à des standards téléphoniques distants aux compétences limitées. La taille d’EDF la rend incapable d’être réactive face à des problèmes individuels appelant généralement une réponse urgente, d’où une multiplication des erreurs techniques ou humaines qui ternissent le bilan de la société. Le gigantisme d’EDF compromet ses marges de manœuvre en termes d’agilité stratégique.

Des entreprises comme IBM ont démontré que des multinationales peuvent également faire preuve d’agilité stratégique, mais il s’agit souvent d’un choix dicté par des circonstances très défavorables pour l’entreprise. IBM a fait le choix rapide et efficace de se recentrer vers les solutions intégrales pour ces clients, mais cela faisait suite à de très graves difficultés financières au milieu des années 1990. Sans avoir connu des difficultés de même importance, Oberthur Fiduciaire a réussi le pari de la spécialisation dans l’impression de devises à fort contenu technologique. La société se positionne désormais sur un créneau haut de gamme, associant la tradition historique d’impression de l’enseigne avec la haute technologie nécessaire à la lutte contre la contrefaçon. Sous réserve d’une adaptation fonctionnelle de l’entreprise à l’incertitude, l’agilité diminue le risque tout en amplifiant les effets d’aubaine. Pour les PME et les ETI, l’agilité sous toutes ses formes est une condition nécessaire pour l’obtention de marchés volatiles et pour saisir des opportunités stratégiques.
 
Références :
« Le concept de l’agilité à l’épreuve de la PME : Cas de l’industrie de l’habillement », Redouane Barzi, Université d’Orléans, XVIème Conférence Internationale de Management Stratégique
« Etre agile... le destin de l’entreprise de demain », Jérôme Barrand, in L'Expansion Management Review  2009/1 (N° 132),  pages 118-129
« PME et agilité organisationnelle : étude exploratoire », Redouane Barzi, in Innovations 2011/2 (n°35, pages 29-45)
« Les leviers de l’agilité stratégique », La Chronique Entreprises, 20 mai 2012
« Recrutement : les entreprises pensent à court-terme », Figaro.fr, 25 avril 2012
« De PME vers ETI, constance, agilité et introspection », Le Cercle Les Echos, 31 mars 2013
« Panhard propose à l'armée de terre un blindé révolutionnaire », Le Point.fr, 04 juillet 2011

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