Mozambique: Maputo espère une reprise rapide des projets gaziers



Publié par La Rédaction le 26 Novembre 2022

Dans un contexte sécuritaire toujours fragile, mais en nette amélioration selon les autorités, Filipe Nyusi, le président du Mozambique, espère une reprise rapide des projets gaziers. Ceux-ci sont en effet essentiels pour le décollage économique du pays d’Afrique australe.



« Les terroristes ont été délogés grâce aux jeunes hommes de la marine et de l’armée de terre avec leurs frères du Rwanda et de la SADC (Southern African Devlopment Community) » C’est en ces termes que le président mozambicain Filipe Nyusi, saluait , le 14 novembre dernier, les progrès accomplis selon lui contre l’insurrection islamiste qui mine la région. Il remettait alors des équipements agricoles à quelque 200 familles de Mocimboa da Praia, une importante ville de la province de Cabo Delgado, libérée des groupes armés un an auparavant. Un optimisme toutefois tempéré de réalisme, car le chef de l’État reconnaissait aussitôt que « la bataille contre les groupes armés n'est pas encore terminée et la poursuite des insurgés continue. »

Les progrès dans le contrôle de la région constituent en effet une préoccupation essentielle pour le gouvernement et l’ensemble du pays puisqu’ils conditionnent la relance des projets gaziers dans ce grand pays d’Afrique, 7e État le plus pauvre du monde, et dont l’essor économique dépendra fortement de l’exploitation de ces réserves de gaz naturel. Le président Nyusi se veut raisonnablement confiant, considérant « pertinent d’envisager la possibilité de reprendre le développement des travaux de construction », à l’occasion du récent Sommet sur le gaz et l’énergie tenu à Maputo.

Jusqu’à présent, l’explosion de violences terroristes dans la région de Cabo Delgado, la mieux dotée en gaz, a retardé l’exploitation du précieux hydrocarbure. L'amélioration tangible de la situation sécuritaire devrait permettre de relancer les activités des énergéticiens impliqués dans le projet. 

Un contexte sécuritaire tendu, mais en voie d’amélioration

« Nos forces de défense et de sécurité sont en train de stabiliser la situation dans tous les districts touchés, avec le retour de la population », a affirmé Filipe Nyusi en septembre 2022, alors que plusieurs dizaines de milliers de personnes sont d’ores et déjà de retour à Palma, dans la province du Cabo Delgado.

C’est en effet dans cette région très pauvre du Mozambique, mais stratégique économiquement qu’a éclaté une insurrection islamiste en 2017, soulèvement qui s’est rapidement transformé en véritable guérilla. Avec près de 3000 hommes en présence, les djihadistes s’étaient notamment emparés des villes de Mocimba da Praia, Awasse et Palma. Selon l’ONU, les guérilleros seraient responsables, au total, de la mort de plus de 4000 personnes et de 800 000 déplacés.

Pour faire face à cette situation, le Mozambique a mobilisé son armée et fait appel à l’aide de ses voisins et alliés régionaux. En juin 2021, la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC, Southern African Development Community) a approuvé une mission de soutien au Mozambique dans son combat contre le terrorisme dans la région de Cabo Delgado. À ce titre, le Botswana, l’Afrique du Sud, et le Zimbabwe ont déployé plusieurs milliers d’hommes.

Aujourd’hui, grâce à cet effort conjoint, et surtout, à l’intervention décisive de l’armée rwandaise, hors SADC, la situation sécuritaire semble effectivement s’être améliorée : toutes les villes passées aux mains des djihadistes ont été reprises et les axes stratégiques ont été, a priori, sécurisés. « Les terroristes sont en fuite en permanence », a tenu à rassurer le président Nyusi devant un parterre d’investisseurs réunis au Sommet mozambicain de l’énergie et du gaz. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), quant à lui, reste plus prudent : « les conditions de sécurité sont trop volatiles à Cabo Delgado pour faciliter ou promouvoir les retours dans la province ».

Si Filipe Nyusi espère à ce point une reprise rapide des projets gaziers, c’est que les enjeux sont immenses pour le Mozambique : la région de Cabo Delgado détient les neuvièmes réserves de gaz naturel au monde. Or, la plupart des industriels impliqués dans l’exploitation du gaz mozambicain ont été contraints de reporter leurs opérations en raison du risque sécuritaire.

Un projet essentiel pour le développement du Mozambique

5000 milliards de m3 de gaz naturel, dont la moitié est exploitable : c’est tout simplement l’une des plus grandes réserves de gaz naturel au monde qui a été découverte au Mozambique entre 2010 et 2013. Une découverte inespérée pour ce pays particulièrement pauvre, classé 7e pays le moins développé au monde par l’ONU, et qui pourrait lui rapporter jusqu’à 96 milliards de dollars.

Le FMI considère que l’exploitation de ces ressources naturelles permettrait une croissance allant jusqu’à 24 % durant les premières années d'activité. Ce projet national devrait essentiellement profiter à la population locale, notamment dans la province de Cabo Delgado puisque 5000 emplois devraient être créés pour la seule phase de construction. « Les retombées économiques seront importantes et la construction des unités de production, qui durera plus d’une décennie, sera une source significative d’emploi et de formation pour les Mozambicains », indique un rapport de Global Data, société britannique de conseil et d’analyse de données énergétiques. Un optimisme partagé par le ministre mozambicain de l’énergie, Carlos Zacarias, pour qui « ces projets ont une grande capacité à créer des emplois indirects, la main-d'œuvre étrangère diminuant tout au long du projet et la main-d'œuvre mozambicaine augmentant. La plupart de ces emplois devraient être fournis par des entrepreneurs et des sous-traitants. »

Mais au grand dam de Maputo, les trois principaux énergéticiens impliqués dans le projet (TotalEnergies pour le bloc 1, ExxonMobil et ENI pour le bloc 4) ont été contraints de réorganiser ou de suspendre leurs activités dans le Cabo Delgado en attendant une amélioration de la situation sécuritaire. Ainsi en avril 2021, TotalEnergies avait dû invoquer une clause de force majeure au motif que la sécurité des personnes et des installations n’était plus assurée. Le géant français n’a donc pas abandonné son projet dans la région, mais son PDG Patrick Pouyanné, en visite au Mozambique au début de l’année, a toutefois conditionné la reprise des activités du géant français à l’amélioration de la situation sécuritaire. « Nous ne voulons pas redémarrer notre activité, entourés de camps de réfugiés… Nous voulons que la situation soit stable », a-t-il indiqué.

La reprise des activités de TotalEnergies dans cette province septentrionale du Mozambique est d’autant plus importante aux yeux des autorités locales que l’Italien ENI, allié à l’américain ExxonMobil, a finalement décidé de liquéfier le gaz naturel à partir d’une plateforme en mer, limitant ainsi la vulnérabilité du projet à la menace terroriste, mais aussi ses retombées économiques locales. La plateforme Coral Sul est d’ores et déjà opérationnelle et la phase d’exploitation vient de franchir un cap symbolique avec l’expédition, le 13 novembre dernier, de la première cargaison de gaz naturel liquéfié (GNL) depuis le Mozambique. Le pays a en effet décidé d’exporter environ 75 % de sa production de gaz naturel, garantissant un équilibre entre ses propres besoins et son développement économique. Filipe Nyusi annonçait par exemple, au mois d’août dernier, toute une série de mesures visant à stimuler l’économie grâce aux revenus du GNL. Au premier rang de celles-ci : la création d’un fond souverain qui aura pour objectif de pallier les « chocs externes » et « la volatilité des revenus ».

Avec cette priorité accordée aux exportations, l’exploitation du GNL Mozambicain pourrait en outre contribuer à une décrispation du marché gazier mondial. Les besoins internationaux demeurent en effet très importants, que ce soit pour l’Europe, qui n’a plus accès aux ressources russes bon marché, ou pour l’Asie, où les plus importantes économies, comme l’Inde et la Chine qui sont au nombre des clients du projet, cherchent à remplacer le charbon encore massivement utilisé pour produire leur électricité.

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