Mistral : quelles conséquences en cas de rupture de contrat avec Moscou ? (Actualisé)



Publié par Axelle Baudry le 23 Avril 2014

Moscou a menacé la France de lourdes pénalités si la livraison des deux navires miliaires de type Mistral, prévue dans le contrat signé en 2011, venait à être compromise. Des sanctions qui pourraient s’ajouter à de sérieuses conséquences économiques et sur l’emploi.



(Source Wikimedia Commons)
Selon le calendrier prévu, le constructeur naval DCNS doit livrer fin 2014 à la Russie le premier Bâtiment de Projection et de Commandement (BPC), baptisé Vladivostok (achevé à 80%), et le second, le Sébastopol, un an plus tard. Les premiers marins russes doivent arriver en mai-juin pour débuter leur formation à la DCI à Saint-Nazaire, mais la France menace de geler les autorisations de visas dans le cadre des sanctions envisagées contre la Russie après « l'annexion » de la Crimée.

Depuis les premières discussions, ce contrat fait grincer des dents en occident. Bien que cette classe de bâtiments soit conçues selon des normes civiles de construction et d'assemblage (raison pour laquelle DCNS sous-traite aux chantiers STX) et sans armement, certains pays voient d'un mauvais œil la vente de système de communications occidentaux aux Russes. Selon un expert des questions de défense, "les frictions entre la France et ses alliés de l'OTAN portent notamment sur l'installation et la vente possible du système de combat SIC21 et du système de communication SENIT9. Pour l'instant aucune information fiable n'a été donnée sur la réalité de ce transfert de technologies : va t-on vendre cette technologie ? En version full operational capability ou downgradée ? Donnerons-nous les "clés logiciels" et le code source avec ? Même si cela pourrait permettre aux Russes d'échanger avec les nations de l'OTAN dans le cadre de missions multinationales, pour les plus pessimistes, cela pourrait revenir surtout à donner aux Russes une porte d'accès sur nos systèmes de communication."

Pour rappel, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius avait déclaré mi-mars que la France « pourrait envisager » d'annuler la vente de deux navires Mistral à la Russie « si Poutine continue ce qu'il fait » en Ukraine. « La France commence à trahir la confiance qu'on place en elle comme fournisseur fiable », avait répondu le vice-Premier ministre russe Dmitri Rogozine sur son compte Twitter, appelant ses « collègues européens à ne pas attiser la situation ».

Si la France décide effectivement de renoncer à la vente à la Russie de navires militaires français Mistral, elle s’expose ainsi à un certain nombre de conséquences, à commencer par des conséquences financières. Une rupture du contrat se solderait incontestablement par un manque à gagner pour les industriels, d’autant que plus de la moitié de la facture de 1,2 milliard d’euros a d’ores et déjà été reglée par la Russie. La France devra en outre payer des dédommagements à Moscou pour dédit de contrat. Entré en vigueur à l’automne 2011 après la signature officielle entre DCNS et la société d’export russe Rosoboronexport, le contrat a en effet pour cadre un accord intergouvernemental paraphé le 25 janvier 2011 entre Paris et Moscou. En outre, si la France annule la transaction, entre 600 et 1000 emplois directs seront affectés chez le groupe DCNS et son sous-traitant européen STX.

En sa qualité de président de la Commission Interministérielle pour l’Etude des Exportations de Matériels de Guerre (CIEEMG), c’est Francis Delon, Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, qui aura à prendre la décision de ne pas livrer les BPC à la Marine russe, sur ordre de François Hollande et par délégation du Premier Ministre. Mais selon Laurent Fabius l’éventuelle annulation du contrat Mistral « fait partie du troisième niveau des sanctions ». « Pour l’instant, nous sommes au deuxième niveau », estime le ministre des Affaires étrangères et du Développement international.

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