Les clefs de la motivation



Publié par Roxane Lauley le 24 Avril 2015

Lors de ses recherches sur le milieu du travail, Ian Larkin, professeur associé à la Harvard Business School, constate que le facteur de motivation le plus puissant est notre tendance naturelle à comparer notre propre performance à celle de nos collègues. Ian Larkin montre que la comparaison sociale est importante dans la façon dont nous travaillons. Et cette comparaison ne repose pas que sur des critères de rémunération, en dépit de l’abondante littérature qui met l’accent sur l’incitation financière. Au final, le salarié est à la recherche de reconnaissance.



Entrer dans le club

Source: commons wikimedia
Dans Payer 30 000 dollars pour une carte gold : une enquête empirique sur la valeur de la reconnaissance par les pairs, lan Larkin décrypte les pratiques d’une entreprise, où les salariés sont récompensés grâce à des commissions mais également grâce à une entrée dans un club très privé, le « Club du Président ». Les membres du club ne sont pas promus plus rapidement et ne reçoivent pas de commissions plus élevées : ils jouissent d’une « carte gold », reçoivent un email du dirigeant et se voient offrir en weekend entre membres.

Un sésame en somme, car beaucoup d'entre eux sont prêts à troquer leurs commissions annuelles contre une place dans un cercle privilégié au sein de leur entreprise. Selon l’universitaire la principale raison de ce comportement serait la crainte d’être considéré comme « inférieurs » par leurs pairs. L’expert met en exergue une démarche systématique de comparaison vis-à-vis de son environnement professionnel et notamment envers ses collègues.

 

Se comparer : nuisance ou opportunité ?

Si le salaire reste souvent un grand tabou (surtout en France), il est le premier critère de comparaison auquel se réfèrent les salariés. Le paiement de chaque employé uniquement en fonction de sa capacité personnelle est une stratégie inefficace selon Ian Larkin. Un tel système peut conduire au ressentiment ou au sabotage de la part des personnels qui s'estiment sous-payés par rapport à leurs collègues. Car au moment de décider quel effort il consent, le salarié prête non seulement attention à son salaire (qui ne doit pas être source de démotivation), mais aussi  à la conformité avec le salaire de ses collègues. L'entreprise doit donc prendre en compte la comparaison sociale dans l’élaboration des programmes de rémunération de ses salariés.

Mais le salaire n’est pas le seul outil de comparaison sociale et d’autres facteurs comme le type d’activité confié, la répartition du temps de travail, peuvent également jouer. De plus, l’arrivée des NTIC et notamment des réseaux sociaux tels que Facebook, LinkedIn encouragent le phénomène de la comparaison sociale. Les entreprises doivent être conscientes que l'information est aujourd’hui distribuée instantanément et peut avoir un impact négatif non seulement sur les employés, mais aussi sur le climat général de la société. Ils peuvent exacerber des tensions liées à une mise en concurrence consciente ou inconsciente de la part les salariés eux-mêmes ou voulue par les dirigeants.

Dans leur ouvrage « Benchmarking, l’Etat sous pression statistique », les sociologues et chercheurs au CNRS,  Isabelle Bruno et Emmanuel Didier ont fait la lumière sur cette pratique comparative. « Le but est ainsi de faire (ré)agir les cadres en suscitant une motivation élémentaire : ne pas vouloir faire moins bien que le voisin». Cependant la pratique n’est pas sans danger comme le rappelle le tribunal de grande instance de Lyon qui a sanctionné le benchmarking à outrance et sans objectif précis.
 

Le besoin de reconnaissance

L’expérience menée par Ian Larkin montre surtout que le salarié a besoin de s’intégrer dans un projet global d’entreprise. La fierté d’appartenance, la vision stratégique partagée et les conditions de travail jouent un rôle important dans sa motivation. Cette reconnaissance par sa hiérarchie et ses collègues est un besoin quasi vital pour le salarié : il permet de valoriser sa singularité, de donner corps et sens à ses activités. Si on en croit les enquêtes réalisées par TNS-Sofres pour l’Anact, les salariés font de la reconnaissance un élément clef de la qualité de vie au travail.

Et des salariés heureux et donc motivés, participent d’un cercle vertueux favorisant la productivité de l’entreprise. Des marges de progression existent selon les mêmes enquêtes qui constatent que les salariés sont encore peu à être pleinement satisfaits (voire heureux) de leurs conditions de travail. Différentes stratégies peuvent ainsi être mises en place par l’entreprise : un « merci », une promotion, une plus large autonomie, un cadre de travail agréable, alimentent le besoin de reconnaissance. « Travailler à moins dépendre du regard des autres peut être une stratégie utile » conseille Philippe Laurent, conférencier et formateur.

Au final, ces problématiques qui agitent le monde du travail ne sont que le reflet d’interrogations sociétales, celles d’individus en quête d’un sens profond à leur existence et par là même, à leur activité professionnelle.
 

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