Retour sur les faits
Ce vaisseau, dont la construction a été lancée en 1999 dans le cadre d’un programme de la NASA, a ensuite été confié à l’agence de recherche militaire américaine (DARPA) puis plus récemment à l’armée de l’air américaine. Depuis sa première mission en 2010, l’appareil suscite de nombreuses interrogations et les spéculations vont bon train. Pour certains, X-37B ferait parti de la course à l’armement spatial engagé depuis la Guerre froide entre les USA et la Russie et maintenant la Chine. D’après le site Atlantico « le gouvernement russe accus[e même] les États-Unis de militariser l'espace en y envoyant le X-37B, une version réduite de la navette spatiale, agile et modulable, contrôlée à distance ».
Quelques éléments sur la course à l’armement dans l’espace
Le terme de militarisation de l’espace apparaît dans les années 1960 dans le cadre de la Guerre froide et de la course à l’espace. Dès cette époque, les Etats-Unis et l’URSS développèrent des satellites d’observations dans un cadre parfaitement licite puisqu’au-delà de 80 kilomètres d’altitude, les frontières n’ont plus d’existence légale.
A l’origine, les satellites n’avaient qu’une utilité de renseignement et d’observation. Mais la question de "l’arsenalisation" de l’espace s’est vite posée lorsqu’en 1962, les Etats-Unis réalisèrent un essai nucléaire à 400 km d’altitude appelé Starfish Prime. Tandis que de 1968 à 1982, l’URSS testa ses « Isterbitel » c’est-à-dire les « satellites tueurs » : il ne s'agissait plus d'une simple utilisation de l'espace à des fins militaires (l'observation et les communications), mais de l'envoi d'armes dans l'espace.
Plus récemment, certains observateurs ont noté que le développement d'armes spatiales se poursuit. D’après certains spécialistes comme Venance Journé ou encore Hans Martin Blix, plusieurs équipements de pointe appelés « armes spatiales de frappe (1) » sont à l’étude. Ces armes lasers et à rayon X permettraient de viser avec précision depuis l’espace des cibles pour aveugler et détruire des satellites ennemis.
L’équilibre de la terreur remis en question
Dans les consciences collectives, rien ne symbolise mieux la terreur et la destruction qu’un champignon nucléaire, depuis qu’Enola gay largua Little Boy sur Hiroshima en 1945. L’apparition du feu nucléaire a, à partir de cette époque, profondément modifié le rapport des Etats et des sociétés à la guerre : avant l'ère nucléaire, une guerre restait une épreuve temporaire difficile mais surmontable. Avec des armes nucléaires dans chaque camp, une guerre atomique aurait désormais des airs d'apocalypse.
Il est à noter que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et les deux largages sur le Japon, la force atomique n’a jamais trouvé à s’exprimer en dehors des applications civiles. Mieux, deux nations atomiques ne sont jamais entrées en conflit en plus de 70 ans. Si cette situation doit plus à la notion d’équilibre qu’à celle de la terreur, il est néanmoins paradoxal que cette dernière puisse apporter à l’homme une stabilité et qu’une arme particulièrement dévastatrice ait pu favoriser une certaine paix à l’histoire.
La dissuasion nucléaire repose sur un principe assez simple : faire, savoir-faire et faire-savoir. Elle constitue, dans l'esprit des dirigeants détenteurs, le dernier rempart de la souveraineté. La légitime défense qui est reconnue par les Nations-Unis comme un droit naturel perd de son utilité puisque la guerre est de plus en plus incertaine. Cependant, il n’en reste pas moins que l’on assiste, à l’heure actuelle, à une régression de la sécurité collective vers la défense collective.
La militarisation de l’espace, une menace pour la sécurité collective
Si l’équilibre de la terreur, avec une multiplication des Etats détenteurs de l’atome, avait permis de construire une forme de pax comuna, la militarisation de l’espace risque, au moins en partie, de bousculer cette stabilité, remettant en question les facteurs de la sécurité collective.
Ce mécanisme de garantie de paix internationale repose sur l’analyse politique fondamentale qu’il existe une indivisibilité et une solidarité de la paix entre Etats. Cette idée qui a trouvé avec la SDN puis l’ONU une traduction concrète semble être, une nouvelle fois, fragilisée. Et pour cause, en disposant de plus de 70% (2) du budget spatial mondial civil et militaire, les Etats-Unis disposent toujours, en 2017, du monopole de l’espace (3).
Dans cette course à l’armement, les Russes sont loin d’être inactifs. Toujours d’après le journal en ligne Atlantico, le Kremlin serait en mesure d’ici 2020 de détenir un bombardier orbital offrant au plus grand pays du monde une force de frappe nucléaire inédite. Si les déclarations doivent être prises avec précaution, il est cependant intéressant de lire les déclarations d’Aleksei Solodovnikov, instructeur en fuséologie à l’Académie stratégique des forces armées russes reprises dans le journal gouvernemental russe Sputnik, « l'idée est que le bombardier décolle d'un aérodrome national pour contrôler l'espace aérien russe » et « sur commande, il pourra aller dans l'espace, frapper une cible avec des têtes nucléaires et revenir à sa base. »
Devant cette escalade, il restera à rappeler le cadre juridique organisant l’utilisation de l’espace stipulant que les armes de destruction massive sont illégales en orbite terrestre. Le bureau des affaires spatiales des Nations unies (UNOOSA) dont la charge est de veiller au respect dudit traité risque de voir son rôle renforcé dans les prochaines années.
Venance Journé et Hans Martin Blix, Armes de terreur : Débarrasser le monde des armes nucléaires, biologiques et chimiques [« Weapons of terror : freeing the world of nuclear, biological and chemical arms »], Paris, Harmattan, 2010, 247 pages L'Espace à l'horizon 2030, Quel avenir pour les applications spatiales ? Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) - janvier 2006 https://takiyovo.wordpress.com/2011/02/07/la-guerre-de-lespace-un-nouveau-duel-sino-americain/
Ce vaisseau, dont la construction a été lancée en 1999 dans le cadre d’un programme de la NASA, a ensuite été confié à l’agence de recherche militaire américaine (DARPA) puis plus récemment à l’armée de l’air américaine. Depuis sa première mission en 2010, l’appareil suscite de nombreuses interrogations et les spéculations vont bon train. Pour certains, X-37B ferait parti de la course à l’armement spatial engagé depuis la Guerre froide entre les USA et la Russie et maintenant la Chine. D’après le site Atlantico « le gouvernement russe accus[e même] les États-Unis de militariser l'espace en y envoyant le X-37B, une version réduite de la navette spatiale, agile et modulable, contrôlée à distance ».
Quelques éléments sur la course à l’armement dans l’espace
Le terme de militarisation de l’espace apparaît dans les années 1960 dans le cadre de la Guerre froide et de la course à l’espace. Dès cette époque, les Etats-Unis et l’URSS développèrent des satellites d’observations dans un cadre parfaitement licite puisqu’au-delà de 80 kilomètres d’altitude, les frontières n’ont plus d’existence légale.
A l’origine, les satellites n’avaient qu’une utilité de renseignement et d’observation. Mais la question de "l’arsenalisation" de l’espace s’est vite posée lorsqu’en 1962, les Etats-Unis réalisèrent un essai nucléaire à 400 km d’altitude appelé Starfish Prime. Tandis que de 1968 à 1982, l’URSS testa ses « Isterbitel » c’est-à-dire les « satellites tueurs » : il ne s'agissait plus d'une simple utilisation de l'espace à des fins militaires (l'observation et les communications), mais de l'envoi d'armes dans l'espace.
Plus récemment, certains observateurs ont noté que le développement d'armes spatiales se poursuit. D’après certains spécialistes comme Venance Journé ou encore Hans Martin Blix, plusieurs équipements de pointe appelés « armes spatiales de frappe (1) » sont à l’étude. Ces armes lasers et à rayon X permettraient de viser avec précision depuis l’espace des cibles pour aveugler et détruire des satellites ennemis.
L’équilibre de la terreur remis en question
Dans les consciences collectives, rien ne symbolise mieux la terreur et la destruction qu’un champignon nucléaire, depuis qu’Enola gay largua Little Boy sur Hiroshima en 1945. L’apparition du feu nucléaire a, à partir de cette époque, profondément modifié le rapport des Etats et des sociétés à la guerre : avant l'ère nucléaire, une guerre restait une épreuve temporaire difficile mais surmontable. Avec des armes nucléaires dans chaque camp, une guerre atomique aurait désormais des airs d'apocalypse.
Il est à noter que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et les deux largages sur le Japon, la force atomique n’a jamais trouvé à s’exprimer en dehors des applications civiles. Mieux, deux nations atomiques ne sont jamais entrées en conflit en plus de 70 ans. Si cette situation doit plus à la notion d’équilibre qu’à celle de la terreur, il est néanmoins paradoxal que cette dernière puisse apporter à l’homme une stabilité et qu’une arme particulièrement dévastatrice ait pu favoriser une certaine paix à l’histoire.
La dissuasion nucléaire repose sur un principe assez simple : faire, savoir-faire et faire-savoir. Elle constitue, dans l'esprit des dirigeants détenteurs, le dernier rempart de la souveraineté. La légitime défense qui est reconnue par les Nations-Unis comme un droit naturel perd de son utilité puisque la guerre est de plus en plus incertaine. Cependant, il n’en reste pas moins que l’on assiste, à l’heure actuelle, à une régression de la sécurité collective vers la défense collective.
La militarisation de l’espace, une menace pour la sécurité collective
Si l’équilibre de la terreur, avec une multiplication des Etats détenteurs de l’atome, avait permis de construire une forme de pax comuna, la militarisation de l’espace risque, au moins en partie, de bousculer cette stabilité, remettant en question les facteurs de la sécurité collective.
Ce mécanisme de garantie de paix internationale repose sur l’analyse politique fondamentale qu’il existe une indivisibilité et une solidarité de la paix entre Etats. Cette idée qui a trouvé avec la SDN puis l’ONU une traduction concrète semble être, une nouvelle fois, fragilisée. Et pour cause, en disposant de plus de 70% (2) du budget spatial mondial civil et militaire, les Etats-Unis disposent toujours, en 2017, du monopole de l’espace (3).
Dans cette course à l’armement, les Russes sont loin d’être inactifs. Toujours d’après le journal en ligne Atlantico, le Kremlin serait en mesure d’ici 2020 de détenir un bombardier orbital offrant au plus grand pays du monde une force de frappe nucléaire inédite. Si les déclarations doivent être prises avec précaution, il est cependant intéressant de lire les déclarations d’Aleksei Solodovnikov, instructeur en fuséologie à l’Académie stratégique des forces armées russes reprises dans le journal gouvernemental russe Sputnik, « l'idée est que le bombardier décolle d'un aérodrome national pour contrôler l'espace aérien russe » et « sur commande, il pourra aller dans l'espace, frapper une cible avec des têtes nucléaires et revenir à sa base. »
Devant cette escalade, il restera à rappeler le cadre juridique organisant l’utilisation de l’espace stipulant que les armes de destruction massive sont illégales en orbite terrestre. Le bureau des affaires spatiales des Nations unies (UNOOSA) dont la charge est de veiller au respect dudit traité risque de voir son rôle renforcé dans les prochaines années.
Venance Journé et Hans Martin Blix, Armes de terreur : Débarrasser le monde des armes nucléaires, biologiques et chimiques [« Weapons of terror : freeing the world of nuclear, biological and chemical arms »], Paris, Harmattan, 2010, 247 pages L'Espace à l'horizon 2030, Quel avenir pour les applications spatiales ? Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) - janvier 2006 https://takiyovo.wordpress.com/2011/02/07/la-guerre-de-lespace-un-nouveau-duel-sino-americain/