La prise de conscience de la menace évidente de l’extraterritorialité du droit américain est chose faite par l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Les moyens pour parvenir à répondre à cette menace ne font, quant à eux, pas encore l’objet d’un compromis européen. Pourquoi ne pas utiliser directement le droit de l’Union européenne et incarner la résilience européenne pour faire face à la menace de l’extraterritorialité des lois américaines ?
L’extraterritorialité commence à être saisie dans l’agenda politique. Dans une note précédente (La résilience et l’Union européenne) était suggérée que la nouvelle présidence française du Conseil de l’Union européenne, qui se tiendra de janvier à juin 2022, s’empare pleinement de cette question.
Même si nous attendons l’annonce officielle des priorités françaises de la part du Président de la République, M. Emmanuel Macron, en novembre prochain, il apparaît certain que l’extraterritorialité va être discutée lors des prochaines réunions du Conseil et que nous avions vu juste sur l’intérêt de proposer et de se concerter au plan européen sur cette problématique.
De par une proposition de résolution de l’Assemblée nationale du 22 septembre 2021, des députés de l’Assemblée nationale française mettent sur la table la volonté politique de protéger les entreprises face à l’extraterritorialité du droit américain, par un encouragement d’une « définition d’une stratégie de protection des entreprises vis-à-vis de l’extraterritorialité des lois extra-européennes dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne » [1] . La proposition de résolution ne manque pas de souligner le problème majeur de l’extraterritorialité américaine, à savoir l’imposition de sanctions lourdes monétaires auprès des entreprises européennes notamment françaises en cas de non-respect du droit américain [2].
Est-ce la prochaine présidence française qui aura l’honneur de poser les bases d’une nouvelle politique européenne de lutte contre l’extraterritorialité des lois américaines ?
L’UE, par un acte législatif, construira-t-elle une arme juridique efficace face à l’extraterritorialité des lois américaines ?
Le droit de l’Union semble à première vue une arme qui reste à construire, mais qui pourrait se révéler efficace, selon un groupe d’États membres, dont la France en fait partie.
La possibilité pour le droit de se développer comme une arme juridique efficace, fera l’objet de négociations à venir ainsi que le choix du ou des bases juridiques disponibles dans les traités.
Il ne faut pas perdre de vue que le droit de l’UE est un droit de compromis entre 27 États et que les négociations se joueront autour de la manière dont les États choisiront de placer sur l’échiquier politique l’importance de l’extraterritorialité.
Les États membres choisiront-ils la politique de concurrence ? Mais comment rattacher l’extraterritorialité aux catégories d’aides d’État, d’abus de position dominante ou de concentration définis aux articles 101 à 107 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) ? Est-il opportun de construire une nouvelle notion juridique, qui part de cette base juridique ?
Le plus efficace serait-il d’utiliser la base générale de l’article 114 et la notion de marché intérieur si chère à l’Union ? L’extraterritorialité du droit américain est-elle une entrave à la liberté circulation ?
Néanmoins, il ne faut pas écarter que la négociation sur l’élaboration d’un acte législatif de l’Union doit tenir compte du contexte conflictuel de la place actuel du droit de l’Union européenne.
Les principes fondateurs du droit de l’Union sont un facteur d’intégration des États, mais qui est mis à mal par le développement récent d’une jurisprudence constitutionnelle nationale de certains États membres. Le principe de primauté du droit de l’Union est de plus en plus remis en cause par les États. Cette remise en cause est une atteinte, à fortiori, à l’efficacité progressive du droit de l’Union européenne face à l’extraterritorialité des lois américaines.
Nous pensons à la dernière décision du Tribunal constitutionnel polonais du 7 octobre 2021 qui remet directement en cause le principe de primauté du droit de l’Union face à des principes fondateurs tel que les valeurs de l’Union énoncées en son article 2 du Traité sur l’Union européenne (TUE) et le principe de protection juridictionnelle effective fondé à l’article 19 de ce même traité [3].
Par ailleurs, une décision QPC [4] du Conseil constitutionnel français du 5 octobre 2021 définit plus précisément le principe inhérent de l’identité constitutionnelle de la France lors de la transposition d’un acte européen (une directive) dans la loi française [5]. La décision du Conseil constitutionnel français n’est pas un affront brutal comme celui de la Pologne au principe de primauté du droit de l’Union, mais il montre la volonté du juge national d’imposer sa propre identité juridique nationale.
L’Union et son droit disposent de quelques armes pour contrer le rapport de force des juges nationaux, d’où on pensait fort justement que le débat sur la primauté était savamment équilibré par la saga allemande « Solange » pour la protection des droits fondamentaux des États. Certes, l’Union dit toujours respecter les identités nationales, mais peut aussi contester, en cas d’atteinte excessive contre ses principes, par le biais du recours en manquement et, le fait qu’un juge national manque à ses obligations de juge de droit commun de l’Union.
Il peut être cité, l’arme du mécanisme de sanctions contre les États en cas de non-respect de l’État de droit.
Cette arme énoncée à l’article 7 du TUE est en cours d’utilisation face à la Pologne et à la Hongrie. Cependant l’un des États visés par cette procédure - dont il faut rappeler l’écart [6] lors du vote de la sanction - est toujours « sauvé » par l’État soutien (la Hongrie en l’espèce pour la Pologne) se prononce contre la sanction et court-circuite donc l’unanimité exigée pour le vote de la sanction.
Cette nouvelle confrontation fragilise l’arrivée de cette nouvelle problématique de l’extraterritorialité à laquelle l’Union se doit d’agir dès 2022.
Ainsi, l’arme juridique européenne est-elle et pourra-t-elle se révéler comme une finalité ou une fatalité ?
L’extraterritorialité commence à être saisie dans l’agenda politique. Dans une note précédente (La résilience et l’Union européenne) était suggérée que la nouvelle présidence française du Conseil de l’Union européenne, qui se tiendra de janvier à juin 2022, s’empare pleinement de cette question.
Même si nous attendons l’annonce officielle des priorités françaises de la part du Président de la République, M. Emmanuel Macron, en novembre prochain, il apparaît certain que l’extraterritorialité va être discutée lors des prochaines réunions du Conseil et que nous avions vu juste sur l’intérêt de proposer et de se concerter au plan européen sur cette problématique.
De par une proposition de résolution de l’Assemblée nationale du 22 septembre 2021, des députés de l’Assemblée nationale française mettent sur la table la volonté politique de protéger les entreprises face à l’extraterritorialité du droit américain, par un encouragement d’une « définition d’une stratégie de protection des entreprises vis-à-vis de l’extraterritorialité des lois extra-européennes dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne » [1] . La proposition de résolution ne manque pas de souligner le problème majeur de l’extraterritorialité américaine, à savoir l’imposition de sanctions lourdes monétaires auprès des entreprises européennes notamment françaises en cas de non-respect du droit américain [2].
Est-ce la prochaine présidence française qui aura l’honneur de poser les bases d’une nouvelle politique européenne de lutte contre l’extraterritorialité des lois américaines ?
L’UE, par un acte législatif, construira-t-elle une arme juridique efficace face à l’extraterritorialité des lois américaines ?
Le droit de l’Union semble à première vue une arme qui reste à construire, mais qui pourrait se révéler efficace, selon un groupe d’États membres, dont la France en fait partie.
La possibilité pour le droit de se développer comme une arme juridique efficace, fera l’objet de négociations à venir ainsi que le choix du ou des bases juridiques disponibles dans les traités.
Il ne faut pas perdre de vue que le droit de l’UE est un droit de compromis entre 27 États et que les négociations se joueront autour de la manière dont les États choisiront de placer sur l’échiquier politique l’importance de l’extraterritorialité.
Les États membres choisiront-ils la politique de concurrence ? Mais comment rattacher l’extraterritorialité aux catégories d’aides d’État, d’abus de position dominante ou de concentration définis aux articles 101 à 107 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) ? Est-il opportun de construire une nouvelle notion juridique, qui part de cette base juridique ?
Le plus efficace serait-il d’utiliser la base générale de l’article 114 et la notion de marché intérieur si chère à l’Union ? L’extraterritorialité du droit américain est-elle une entrave à la liberté circulation ?
Néanmoins, il ne faut pas écarter que la négociation sur l’élaboration d’un acte législatif de l’Union doit tenir compte du contexte conflictuel de la place actuel du droit de l’Union européenne.
Les principes fondateurs du droit de l’Union sont un facteur d’intégration des États, mais qui est mis à mal par le développement récent d’une jurisprudence constitutionnelle nationale de certains États membres. Le principe de primauté du droit de l’Union est de plus en plus remis en cause par les États. Cette remise en cause est une atteinte, à fortiori, à l’efficacité progressive du droit de l’Union européenne face à l’extraterritorialité des lois américaines.
Nous pensons à la dernière décision du Tribunal constitutionnel polonais du 7 octobre 2021 qui remet directement en cause le principe de primauté du droit de l’Union face à des principes fondateurs tel que les valeurs de l’Union énoncées en son article 2 du Traité sur l’Union européenne (TUE) et le principe de protection juridictionnelle effective fondé à l’article 19 de ce même traité [3].
Par ailleurs, une décision QPC [4] du Conseil constitutionnel français du 5 octobre 2021 définit plus précisément le principe inhérent de l’identité constitutionnelle de la France lors de la transposition d’un acte européen (une directive) dans la loi française [5]. La décision du Conseil constitutionnel français n’est pas un affront brutal comme celui de la Pologne au principe de primauté du droit de l’Union, mais il montre la volonté du juge national d’imposer sa propre identité juridique nationale.
L’Union et son droit disposent de quelques armes pour contrer le rapport de force des juges nationaux, d’où on pensait fort justement que le débat sur la primauté était savamment équilibré par la saga allemande « Solange » pour la protection des droits fondamentaux des États. Certes, l’Union dit toujours respecter les identités nationales, mais peut aussi contester, en cas d’atteinte excessive contre ses principes, par le biais du recours en manquement et, le fait qu’un juge national manque à ses obligations de juge de droit commun de l’Union.
Il peut être cité, l’arme du mécanisme de sanctions contre les États en cas de non-respect de l’État de droit.
Cette arme énoncée à l’article 7 du TUE est en cours d’utilisation face à la Pologne et à la Hongrie. Cependant l’un des États visés par cette procédure - dont il faut rappeler l’écart [6] lors du vote de la sanction - est toujours « sauvé » par l’État soutien (la Hongrie en l’espèce pour la Pologne) se prononce contre la sanction et court-circuite donc l’unanimité exigée pour le vote de la sanction.
Cette nouvelle confrontation fragilise l’arrivée de cette nouvelle problématique de l’extraterritorialité à laquelle l’Union se doit d’agir dès 2022.
Ainsi, l’arme juridique européenne est-elle et pourra-t-elle se révéler comme une finalité ou une fatalité ?
[1] Proposition de résolution n° 4486, Assemblée nationale, 22 septembre 2021.
[2] Ibid. p.2
[3] MARTUCCI. F., « La Pologne et le respect de l’État de droit : quelques réflexions suscitées par la décision K 3/21 du Tribunal constitutionnel polonais », Le Club des Juristes, 15 oct. 2021.
[4] Question prioritaire de constitutionnalité introduite lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 avec la création de l’article 61-1 de la Constitution française de 1958 : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »
[5] LETTERON. R., « L’identité constitutionnelle de la France : le garde-fou du Conseil constitutionnel », Blog Libertés, libertés chéries, 15 octobre 2021.
[6] L’évincement de l’État membre lors du vote est prévu par la procédure prévue par le Traité.