Quel phénomène caractérisez-vous par la notion d'éco-terrorisme ?
L’éco-terrorisme est une action criminelle de nature politique, perpétrée par les groupuscules d’individus radicaux, affiliés idéologiquement le plus souvent à l’extrême-gauche. Le préfixe "éco" rassemble dans une même chapelle idéologique trois courants de revendications distincts les uns des autres : le mouvement altermondialiste, le mouvement écologiste et le mouvement animaliste. Le terme "terrorisme" se réfère quant à lui à l’utilisation d’une violence meurtrière, anonyme et orientée à l’encontre de cibles civiles dans un but de déstabilisation politique.
Quand et comment ce phénomène est-il apparu ?
L’éco-terrorisme est un phénomène relativement ancien qui est apparu dans les années 1970 et se limite encore majoritairement aux pays anglo-saxons. Il est essentiellement né des critiques du modèle de consommation consumériste et de l’effritement des grandes idéologies, qui jusque là structuraient les mouvements politiques autour de l’affrontement avec entre le communisme et le libéralisme. La multiplication de micro-idéologies cantonnées à des causes partielles a servi de terrain fertile à l’action violente. Leurs partisans les plus radicaux ont effet cru plus efficace de se soustraire à la « contrainte institutionnelle » de la démocratie en privilégiant l’action violente.
Quel est le degré de violence des différents groupes que vous citez ?
Il existe un spectre d’actions violentes qui va de l’occupation physique d’espaces privés à l’action terroriste proprement dite. C'est-à-dire l’action meurtrière, anonyme et dirigée contre la société civile. Si ce stade ultime concerne une minorité de militants, il se traduit régulièrement par des actes de nature criminelle comme des incendies d’établissements publics ou privées, des actes de sabotage, et même des attentats à la bombe. Les premières actions éco-terroristes sont apparues avec le front de libération des animaux et les divers groupuscules écologistes radicaux qui en sont issus. Les modes d’actions se sont par la suite « banalisés » comme en témoigne les revendications émises sur le site Biteback. Désormais, la question est surtout de savoir comment sur le fondement de revendications légitimes, les militants ont pu sombrer dans le délire de l’action terroriste.
Ainsi, comment une cause légitime peut-elle se transformer en source de violence ?
Par un processus de fanatisation comme c’est souvent le cas en matière d’idéologie politique. A l’origine, il y’a un gourou qui à l’aide d’un discours politico-philosophique agrège autour de lui un nombre de plus en plus large de fidèles. Convaincus de la justesse de leurs causes, les croyants s’enferment dans un idéal de nouveau monde pour l’avènement duquel il faut militer. Cependant l’action militante n’est jamais assez efficace pour satisfaire les revendications des éléments les plus radicaux. Ces derniers continuent de croire que l’opinion publique est aveugle à la justesse des causes défendues. Or, si le peuple est aliéné, il faut le libérer y compris, contre son gré. Pour lui "rendre la vue", l’activisme violent devient alors une option.
Qu'en est-il des pirates informatiques, les placeriez-vous sur la même échelle que les éco-terroristes ?
En France, les diverses mouvances que vous citez représentent-elles un risque sérieux pour la sécurité de l'État ?
Le degré de menace est très variable selon les pays. Les groupes les plus radicaux sont nés au Royaume-Uni et se sont par la suite disséminés aux Etats-Unis. Dans ces deux Etats, ils ont mené de très nombreuses actions violentes. Londres et Washington ont d'ailleurs inscrit plusieurs groupes de ces mouvances sur leur liste noire des organisations terroristes, au même titre qu'Al Qaeda ou Daech. Plusieurs lois visant à lutter contre ce type de menace ont été votées et les renseignements intérieurs se sont dotés de cellules qui leurs sont consacrés. En France, les groupes radicaux ne sont pas encore parvenus au stade du terrorisme.
Pourquoi la contestation violente reste-t-elle un moyen de revendication privilégié dans notre système démocratique ?
De manière toujours plus marquée, il semblerait qu'une partie des militants affiliés à des courants situés aux extrémités de l'échiquier idéologique ne considère plus la démocratie comme un moyen efficace de faire de la politique. Ce sentiment croît par ailleurs dans un contexte de consommation (informationnelle, économique, etc.) qui laisse supposer qu'il est possible de tout obtenir immédiatement. Il n'est dès lors pas difficile d'imaginer l'insatisfaction et la frustration que secrète le temps forcement long du changement politique en démocratie. Ajoutez à tout cela une pincée de désœuvrement social et vous obtiendrez une radicalisation de plus en plus rapide et de plus en plus violente.