Intrusion de Greenpeace dans les centrales nucléaires : faut-il interroger la sécurité des centrales ou les liens avec le gouvernement ?



Publié par Alexandre Perrault le 21 Mars 2014

L’intrusion de Greenpeace dans l’enceinte de la centrale de Fessenheim a remis sur le devant de la scène cette promesse de François Hollande : fermer la plus vieille et la plus exposée de nos centrales nucléaires. Si les méthodes peuvent paraitre discutables, les ambiguïtés d’une partie de la majorité sur le sujet sont plus préoccupantes.



Photo Pierre-Alain Dorange (Licence Creative Commons)
Une action avant tout médiatique et politique

La pénétration des centrales nucléaires est une habitude de Greenpeace, qui déploie pour l’occasion des procédés bien rodés. En très peu de temps, en tout cas en moins de temps qu’il n’en faut aux brigades de gendarmerie dédiées pour arriver sur place, les militants pénètrent les enceintes grillagées et escaladent généralement les superstructures des réacteurs, avant de déployer banderoles ou projections. Les enjeux de ces actions ne sont pas tant sécuritaires que médiatiques : il s’agit pour le groupe d’attirer les feux des médias sur une action à forte charge symbolique. Et Greenpeace sait y faire en matière de communication.

Pour ce qui est des messages relayés, l’argument des promesses politiques est imparable, et met l’actuelle majorité face à ses contradictions de campagne. Par contre, sur le plan sécuritaire, la démesure des réactions hostiles à Greenpeace doit être tempérée. Si certains n’hésitent pas à qualifier l’organisation écologiste de « terroriste » ou « criminelle », il convient de relativiser : il n’a jamais été dans les intentions ou dans l’intérêt de Greenpeace de provoquer un incident nucléaire. Et si on peut reconnaitre à ses militants un certain talent pour l’escalade et la mise en scène, l’observateur averti notera qu’à aucun moment Greenpeace ne s’est introduit dans des locaux sensibles. Les militants n’ont pas besoin d’aller jusque-là pour faire passer leur message. Au pire pourra-t-on les accuser d’avoir fracturé quelques cadenas et découpé un bout de grillage, mais il en faudra plus pour les accuser de terrorisme.

Sécurité compromise ?

Considérer que la sécurité des centrales a été mise en péril reviendrait d’autre part à admettre qu’il suffit de pouvoir monter sur le toit d’une banque pour faire un casse. On ne peut pas non plus reprocher aux forces de l’ordre de laisser se dérouler ces actions : généralement identifiés très vite, les militants ne sont appréhendés que lorsque toutes les conditions de sécurité sont réunies : pour le pouvoir politique, Il ne s’agit pas de se retrouver en plus mis en cause sur l’action des forces de l’ordre. Et dans un état de droit, on ne tire pas sur des militants désarmés qui franchissent une clôture, même si celle-ci les amène à entrer dans une zone protégée. Le terme de « pénétration en zone protégée » est d’ailleurs repris à l’envie par les médias pour monter en épingle la dangerosité supposée des actions de Greenpeace. C’est oublier un peu vite que l’ensemble du terrain occupé par la centrale de Fessenheim est une zone protégée (et non seulement la zone des réacteurs et à plus forte raison l’intérieur des bâtiments) et qu’à partir du moment où le grillage est franchi, il y a bien pénétration.

La centrale de Fessenheim est protégée par un double réseau de clôtures et de barbelés, avec sur l’enceinte extérieure un réseau électrifié, destiné non à électrocuter un intrus, mais à déceler une intrusion par rupture du circuit. C’est probablement la raison pour laquelle les intrusions sont détectées immédiatement. Mais détection ne signifie pas interventions et arrestations immédiates. Quoiqu’il en soit, cela reste du grillage qu’on peut forcer ou découper. Pas de quoi arrêter des militants chevronnés et rompus aux techniques de pénétration éclair dans ce type d’installation. Pour l’instant, même s’ils ont réussi à grimper sur le toit des centrales, Greenpeace n’a pas diffusé de photos ou de documents attestant de sa présence à l’intérieur des zones critiques. Pas de quoi donc accuser Greenpeace de sabotage. Il n’y a qu’à se rappeler la « mission d’inspection citoyenne » tentée par Greenpeace à l’île Longue (base de nos SNLE pour la dissuasion nucléaire) : la tentative de pénétration sur un lieu véritablement protégé s’était soldée par l’arraisonnement des navires en mer et l’interpellation des militants avant qu’ils ne mettent le pied à terre.

Le soutien d’une partie du gouvernement ?

Après l’épisode désastreux du soutien à la manifestation de Nantes contre la construction de l’aéroport Notre-Dame des Landes, le soutien de certains membres du gouvernement à Greenpeace est ouvertement questionné. Si la Ministre Cécile Duflot n’hésite pas à se réfugier derrière la ligne officielle du gouvernement pour justifier son soutien aux militants anti-nucléaires, elle n’hésite pas à s’en détacher lorsque la dite ligne n’est plus conforme à ses convictions : retrait de la loi famille, transition énergétique, pacte de responsabilité… Les oppositions de la Ministre et d’EELV à la politique du gouvernement sont nombreuses. De quoi interroger sérieusement la cohérence des argumentations et celle de la présence de Ministre EELV au gouvernement. La « participation combative », définition donnée par EELV de sa présence dans la majorité, ressemble clairement à une indépendance assumée vis-à-vis de ce que peut bien dire ou faire le gouvernement. De quoi ajouter encore un peu à la cacophonie de la politique et de la communication gouvernementales, en plus d’une tendance certaine à l’immobilisme depuis plusieurs semaines, dans l’attente d’un remaniement.

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