Ferroviaire, manifestation de puissance et d'influence



Publié par François Nguilla Kooh le 15 Septembre 2023

Le ferroviaire, bien plus qu'un simple moyen de transport, est devenu un symbole de puissance et d'influence à l'échelle mondiale. François Nguilla Kooh, dans son article percutant, nous dévoile comment le rail a façonné et continue de redéfinir les dynamiques géopolitiques et économiques des nations. De la France, qui reconnaît l'urgence de revitaliser son réseau ferroviaire, à la Chine, qui étend son influence à travers ses Nouvelles Routes de la Soie, le train est au cœur des stratégies de puissance. Le ferroviaire est devenu un outil stratégique majeur dans le jeu des nations.



Depuis son avènement, le train a bouleversé le monde. Il a transformé les paysages géographiques, économiques et politiques des pays qui l’ont adopté.  Il est aujourd’hui considéré comme le moyen de transport numéro 1 pour une économie durable écoresponsable.
Pour le Conseil National de l’Industrie de France, le développement de la filière ferroviaire est un enjeu économique et de transition écologique. Il y a en effet nécessité de « renforcer la souveraineté industrielle en soutenant le tissu industriel local »[1]. En raison du mauvais état de son réseau ferroviaire, la France se rend de plus en plus compte de l’impact très négatif sur l’économie. D’ailleurs en juillet 2022, des sénateurs réclamaient « un état d’urgence ferroviaire ». Cette alerte et maintes autres ont débouché en février 2023, par une annonce de la première ministre française Elisabeth Borne, d’un plan de relance du ferroviaire à hauteur de 100 milliards d’Euros d’ici 2040.
Le ferroviaire est clairement devenu un instrument d’influence et de déploiement de Puissance d’un Etat ou d’un continent sur un autre.
 

Poussée ferroviaire en Europe et vers les pays baltes

En Europe, le programme Rail Baltica a été conçu à des fins civiles et militaires. Il a l’ambition prospective aussi bien d’une large intégration régionale mais aussi de permettre aux pays Baltes de s’affranchir de la dépendance ferroviaire vis-à-vis de la Russie. Lancé en 2010 ce programme du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) de l'Union européenne est vu depuis lors comme une menace par la Russie sur sa souveraineté et son influence dans la région. Pendant ce même temps, cette même Russie pour matérialiser sa Puissance sur la Crimée a construit un double pont reliant la mer noire à la mer d’Azov avec une partie ferroviaire de 18,1kms inaugurée en 2018 par Vladimir Poutine.  En regardant dans le rétroviseur de la longue histoire du ferroviaire, les ambitions géostratégiques européennes datent déjà de l’époque de l’Orient-Express avec le visionnaire belge NagelMackers. Ce dernier, inspiré du transcontinental et des trains Pullman lors de son séjour eux Etats-Unis, matérialisait la mobilité transfrontalière intégrée de l’Europe avec le projet de relier dès 1883 Paris à Constantinople (actuel Istanbul) puis celui du transsibérien. Avec L’orient-Express (dont les droits sont détenus depuis 1977 par la SNCF), la traversée des pays avec des voies à écartements différents était un défi aussi bien technologique que diplomatique majeur jusqu’à la fin de l’aventure en mai 1977. En effet, sur le plan diplomatique, réussir à avoir le consentement de tous les souverains des pays de l’Europe jusqu’à l’Empire Ottoman, était un challenge géopolitique sans précédent à cette époque. A sa suite, le suisse Albert Glatt, rendait possible un Paris-Tokyo en train en 1988 via le Transsibérien. C’est le plus long parcours jamais réalisé en train.
 

Volontés de Puissance dans tous les continents

Le Transcontinental américain, le Transsibérien, tous ces tracés et les autres corridors intra continentaux ou bi-océaniques en Afrique, en Amérique du Nord du Canada au Mexiques et en Amérique Latine procèdent de multiples volontés aussi bien économiques que géostratégiques. En Afrique par exemple, en 1904, Cécile Rhodes avec son désir de suprématie de l’Angleterre, rêvait d’utiliser le transafricain long de 9173kms du Cap en Afrique du Sud au Caire en Egypte, pour «si Dieu existe, peindre en rouge britannique, le monde et à commencer, la plus grande partie de l’Afrique[2]. » selon ses déclarations.

Influence Chinoise et son programme planétaire des nouvelles routes de la soie

La Chine a réussi à étendre son emprise et le contrôle de plusieurs régions par des lignes à grande vitesse, par l’expansion de son réseau ferroviaire au sein de son vaste pays, les interconnexions avec le Tibet et le Xinjang territoire des Ouighours. Depuis le lancement de son programme BRI (Belt and Road Initiative) ou nouvelles routes de la soie en septembre 2013, la Chine a déployé 548 instituts Confucius dans 154 pays. Fait remarquable, 135 de ces instituts de promotion de la culture et de la langue chinoise sont présents dans 51 pays le long des Nouvelles Routes de la Soie[3].  De plus, ces routes traversent plus de 68 pays de 4,4 milliards d’habitants. Au regard du poids économique de ces 68 pays, c’est près de 60 % du produit intérieur brut (PIB) de la planète qui sont sous influence potentielle chinoise. Il est clair qu’il ne faudrait pas s’étonner de l’impact de la réussite des programmes d’influence de la Chine au niveau planétaire d’ici 2049 date d’achèvement de la BRI.
 


1 Conseil National de l’Industrie – France, Avenant au contrat stratégique de la filière ferroviaire [9 juillet 2021].
conseil-national-industrie.gouv.fr/files_cni/files/csf/ferroviaire/9_juillet_2021_avenant_au_contrat_de_la_filiere_ferroviaire.pdf 
2 Bill Laws, 50 chemins qui ont changé le cours de l’Histoire. [Septembre 2016] Ed. L’Imprévu. P148-153.
3 Nashidil Rouiaï, Sur les routes de l’influence : forces et faiblesses du soft power chinois [14 mars 2018].
geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/la-chine/articles-scientifiques/forces-et-faiblesses-du-soft-power-chinois 

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