Dépendance aux métaux rares : est-il encore possible d’en sortir ?



Publié par Vanessa Guien le 16 Juin 2023



Les métaux rares, composants indispensables des énergies « vertes »

La transition énergétique, qui s’accélère en particulier dans les pays occidentaux, repose sur le remplacement progressif des énergies fossiles par les énergies dites « vertes ». Or, ces dernières s’appuient sur des technologies nécessitant l’utilisation de métaux rares, c'est-à-dire de métaux présents en faible quantité dans la croûte terrestre, qui permettent de produire beaucoup d’énergie sans pour autant émettre de CO2. Le changement de modèle énergétique devrait ainsi mener à un doublement de la production de métaux rares tous les quinze ans selon les estimations actuelles.

L’exploitation de ces métaux a lieu dans un nombre limité de pays, en particulier en Chine et en Russie, ce qui a conduit les pays occidentaux à développer une dépendance croissante vis-à-vis de ces pays pour leur approvisionnement. La forte hausse des cours des métaux, observée en particulier ces derniers mois et liée en grande partie à la guerre en Ukraine, met encore plus en évidence cette dépendance des industries occidentales envers ces matières stratégiques en provoquant des pénuries et des retards dans les secteurs de l’automobile, des semi-conducteurs, ou encore de l’aéronautique. Par conséquent, les pays occidentaux mobilisent de manière croissante les outils du renseignement et de l’intelligence économique afin de connaître leur degré de fragilité et tenter de le réduire.
 

Quelles sont les vulnérabilités occidentales vis-à-vis de ces métaux rares ?

En s’engageant dans la transition énergétique, les industries occidentales se sont rendues dépendantes des échanges avec les principaux pays producteurs de métaux rares, en particulier la Chine. Guillaume Pitron, dans son livre intitulé La guerre des métaux rares (2018), estime que la Chine cherche à limiter l’exportation de ces ressources afin de les conserver pour ses propres technologies, dans un contexte d’affrontement économique avec le reste du monde. Le monde occidental se retrouve dès lors dans une dépendance encore plus forte qu’envers les pays producteurs de pétrole. Et la situation devrait s’aggraver dans les années à venir, puisqu’on estime que les besoins mondiaux en cuivre devraient être multipliés par deux d’ici à 2030, trois pour le nickel et quatre pour le lithium.
 
Sur le plan militaire, les équipements de pointe dépendent eux aussi des exportations chinoises de métaux rares. Comment les États-Unis pourraient-ils continuer leur production de F-35 dans le cas où les tensions avec la Chine s’aggraveraient ?
 
Mais les risques sont aussi d’ordre écologique, car si les métaux rares ne produisent pas de CO2 lors de leur utilisation, il en va autrement au moment de leur extraction. Les procédés d’extraction et de transformation doivent alors également faire l’objet d’une attention particulière.
 

L’intelligence économique pour évaluer et répondre à ce risque stratégique en France

La prise de conscience de la part des gouvernements occidentaux du risque stratégique que cette situation représente s’est traduite en France par la rédaction du rapport Varin « sur la sécurisation de l’approvisionnement en matières premières minérales ». Remis au gouvernement en janvier 2022, il se concentre notamment sur les métaux nécessaires à la fabrication des batteries (nickel, cobalt, lithium) et sur les aimants permanents (terres rares), décrits comme « particulièrement critiques pour l’électromobilité et les nouvelles énergies ». Parmi les axes stratégiques déduits des conclusions de ce rapport, on trouve le lancement de travaux préparatoires à la constitution d’un fonds d’investissement dans les métaux stratégiques pour la transition énergétique, la constitution d’un observatoire des métaux critiques, mais également la nomination d’un délégué interministériel à la sécurisation de l’approvisionnement en métaux stratégiques. Le rapport Varin s’inscrit aussi dans le plan d’investissement France 2030, qui prévoit notamment la mobilisation d’un milliard d’euros dans le cadre d’un appel à projets national afin de réduire la dépendance d’un grand nombre de filières.
 
C’est dans ce contexte qu’a été déclarée la création de l’OFREMI (Observatoire Français des Ressources Minérales pour les filières Industrielles). Lancé le 29 novembre 2022 en présence de Roland Lescure, ministre chargé de l’Industrie, et d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, il a pour rôle de renforcer la souveraineté des principales filières industrielles françaises en les aidant à sécuriser leurs approvisionnements en métaux et minerais.
 
En effet, cette cellule d’intelligence économique est destinée à être un lieu d’échange entre experts, industriels et administration, et devra produire une veille stratégique, économique et technique mutualisée portant sur l’évolution des chaînes d’approvisionnement mondiales et évaluant les besoins actuels et futurs. Cela devrait donc permettre d’aboutir à des analyses précises des risques et vulnérabilités françaises sur le plan des ressources minérales.

Perspectives

La situation pourrait sembler irrémédiable puisque les pays occidentaux, en particulier les pays européens, devraient a priori conserver leur position à propos de la non-exploitation des métaux rares se trouvant sur leur territoire au vu de la pollution que cela engendrerait.
 
Se pose alors la question de la récupération des métaux rares utilisés actuellement via un système de recyclage. Mais les métaux rares sont souvent utilisés sous la forme de « composites », c'est-à-dire d’alliages avec d’autres métaux. S’il existe des méthodes efficaces pour parvenir à défaire ces alliages, elles sont encore plus coûteuses que l’extraction à la mine, si bien que les industriels ne peuvent économiquement recourir à ce recyclage.
 
Néanmoins, d’autres solutions sont susceptibles d’émerger au fur et à mesure des avancées technologiques : certains experts réfléchissent déjà au remplacement de certains métaux rares utilisés dans les voitures ou encore les panneaux solaires par d’autres matières naturelles ou synthétiques, tandis que d’autres se penchent sur l’utilisation de l’hydrogène comme nouveau carburant pour l’automobile ou l’aviation. Reste à utiliser les outils de l’intelligence économique pour suivre également ces avancées et orienter la recherche industrielle occidentale vers de nouvelles solutions.
 

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