Une augmentation historique des dépenses militaires
Le moins que l'on puisse dire, c'est que la guerre en Ukraine a provoqué une réaction unanime au sein des pays européens membres de l’OTAN. Depuis 2014, les dépenses militaires des 30 membres européens de l’alliance ont augmenté de 75%, atteignant 452 milliards de dollars en 2024. Si ces chiffres restent bien en deçà des 968 milliards dépensés par les États-Unis, ils dépassent de loin les 142 milliards alloués par la Russie. Cette hausse spectaculaire marque une rupture avec le lent déclin des dépenses observé avant 2014. Cette année-là, seuls deux pays respectaient la directive de l’OTAN préconisant un budget défense égal ou supérieur à 2% du PIB.
Aujourd’hui, ce chiffre est passé à 21, témoignant d’un changement profond des priorités stratégiques européennes. Toutefois, certains analystes estiment que cet effort reste insuffisant pour pallier les besoins à court terme. Les acquisitions se concentrent sur des équipements stratégiques. Depuis février 2022, près de 27 milliards de dollars ont été investis dans des chars et véhicules blindés, 15 milliards dans l’artillerie lourde et 39 milliards dans la défense anti-aérienne. Ces efforts visent à renforcer les capacités de l’Europe à mener des opérations indépendantes tout en répondant aux nouvelles menaces asymétriques.
Une autonomie encore limitée par des dépendances critiques
Malgré leurs efforts, les pays européens restent largement tributaires des États-Unis pour des capacités clés, notamment les systèmes de commandement et de contrôle (C2), le renseignement et la surveillance. L’OTAN s’appuie également sur la supériorité américaine en matière d’avions de ravitaillement et de transport stratégique, des éléments indispensables à la coordination d’opérations multinationales. Cette dépendance pose une question stratégique majeure : les Européens pourraient-ils faire face à une crise majeure sans l’appui de Washington ? Pour certains experts, une Europe stratégiquement autonome reste une hypothèse lointaine sans une volonté politique forte et des investissements coordonnés.
Au-delà des dépendances externes, l’Europe doit surmonter ses propres insuffisances. L’industrie de la défense européenne souffre d’une fragmentation qui ralentit les cadences de production et favorise les duplications. Si des initiatives ont été lancées pour encourager les achats conjoints, la mise en place d’une vision unifiée reste difficile. Enfin, la capacité à s’imaginer indépendante sur le plan militaire représente un défi politique majeur. Selon certains analystes, le manque de coordination et de détermination politique constitue une menace plus importante que le financement ou les capacités actuelles. Un constat qui appelle à une prise de conscience urgente des dirigeants européens face aux enjeux stratégiques mondiaux...