Comment les innovations portées par le béton révolutionnent l'architecture



Publié par Romain Lambert le 29 Janvier 2018

Les réalisations architecturales en béton se font toujours plus audacieuses sur les plans technique, esthétique et environnemental.



Le MUCEM de Marseille et ses "dentelles de béton"
Des projets toujours plus extraordinaires. La construction béton ne cesse de se réinventer au rythme des avancées technologiques. Les architectes aiment jouer avec les formes et les matériaux, imaginer de nouvelles structures insolites pour déstabiliser et marquer les esprits. En témoigne le Louvre d’Abu Dhabi, le plus grand musée du monde à l’architecture impressionnante : son dôme composé d'une coupole ajourée de 180 mètres de diamètre, pesant pas moins de 7000 tonnes de fer (soit l’équivalent de la Tour Eiffel) donne pourtant cette impression de flotter au-dessus du bâtiment.
 
Aussi spectaculaire que cela puisse paraître, cette prouesse technique est le résultat d’une recherche de longue haleine sur la solidité et la résistance du béton des piliers du musée. Le dôme est soutenu au final par seulement quatre piliers en béton (au lieu de 100 dans sa phase préparatoire), cachés au sein des bâtiments. Le design du musée conjugue les techniques modernes de construction à la culture traditionnelle. « J’aime adapter des thèmes éternels de l’architecture (...) les détourner, les réinterpréter par une nouvelle approche », explique ainsi l’architecte Jean Nouvel retenu pour concevoir ce projet. (1)
 
Des matériaux plus résistants à la charge et à la corrosion
 
Deux cents ans après l’invention du ciment artificiel par un ingénieur français, Louis Vicat, les progrès techniques en termes de durabilité, de sécurité, d’efficacité, d’inertie thermique, de tenue au feu et d’esthétique dans la construction en béton, permettent aux professionnels de faire preuve de plus d’audace dans le mélange des matériaux. Parmi les dernières innovations en la matière, figure notamment le carbonbeton. Un nouveau type de béton armé mis au point par des chercheurs allemands, dans lequel des fibres de carbone extrêmement solides remplacent l’armature d’acier habituellement utilisée. Le procédé à base de textile s’appuie sur la combinaison de milliers de fibres de carbone (jusqu’à 50 000) pour ne former qu’un fil qui, lui, va être, à son tour, transformé dans une machine textile et enrobé d'un revêtement de stabilisation. Plus légers que l’acier, ces fils offrent une plus grande résistance à la charge et ne sont pas sensibles à la corrosion.
 
Les professionnels en conviennent : ces avantages permettent de réduire significativement l’épaisseur des parois et l’impact négatif de l’acier sur l’environnement. La diffusion du Carbonbeton à large échelle permettra à terme de remplacer les 160 millions de tonnes d’acier incorporées dans du béton armé dans le monde chaque année et de réduire significativement la quantité de matériaux utilisés dans la construction, et donc de diminuer les émissions de CO2. Ce nouveau matériau a reçu le Prix allemand de l’avenir le 30 novembre 2016. D’autant que ses performances innovantes offrent aux architectes de nouvelles perspectives : les fibres de carbone sont flexibles. De quoi pouvoir imaginer de nouvelles courbes et droites architecturales encore plus spectaculaires. Pour l’architecte Giovanni Lelli, « le béton est un résistant, un rebelle même. C’est la seule matière plastique restant à disposition des constructeurs. Elle permet toutes les formes. C’est une matière de liberté. Peut-être la dernière liberté dans le bâtiment… » (2)
 
« Réapprendre à construire »
 
En plus de ses qualités physiques et mécaniques, indispensables pour satisfaire les contraintes constructives, la malléabilité du béton est depuis longtemps plébiscitée : le béton peut être moulé en atelier ou coulé sur site pour s’adapter aux différents types d’ouvrage et aux conditions de mise en œuvre sur les chantiers. Aujourd’hui, avec l’impression 3D de béton, les progrès techniques permettent désormais de réaliser des formes complexes directement sur site. En juin dernier, lors du salon Viva Technology à Paris, la société hollandaise Cybe a en fait la démonstration. Un mois plus tôt, cette start-up, créée il y a quatre ans, avait imprimé son premier bâtiment d’envergure de 168 m2 à Dubaï aux Émirats arabes unis. La réussite de ce projet repose essentiellement sur les additifs chimiques qui entrent dans la composition du béton pour maîtriser la rhéologie du matériau (son temps de prise) et sa viscosité. La rhéologie assure la bonne tenue du béton sous l’effet de la superposition des couches successives et de leur poids. Le temps de prise du béton est un élément déterminant dans le process puisqu’il doit être rapide, de l’ordre de « la minute » selon ses concepteurs. La gestion de la fabrication du béton est délicate mais permet de diminuer le temps de séchage. « L’impression de béton a débuté il y a déjà un peu moins d’une dizaine d’années mais il s’agit du premier bâtiment imprimé directement sur place, et non pas par morceaux dans une usine », explique Bart Vaessen, responsable du développement économique de Cybe, « nous voulons réapprendre à construire. Grâce à cette technique, les différents pans de la construction, de la conception jusqu’à la finalisation, sont bien plus intégrés, et doivent l’être pour que cela fonctionne. Tout le monde travaille ensemble. »
 
C’est dans cette optique, « réapprendre à construire », que le groupe Bouygues Construction s’est associé à Cybe dans la construction du bâtiment à Dubaï. « Ce qui nous intéresse dans cette technique, c’est la souplesse », estime Roland Le Roux, responsable de l’Open Innovation et de la Réalité Virtuelle chez Bouygues Construction, « souplesse sur la forme mais aussi sur les coûts et la rapidité ». D’autres entreprises françaises comme les Ateliers des Compagnons ou le géant du BTP suédois, Skanska, commencent à le faire aussi sur site. « L’impression 3D de béton, combiné à un type d’unité mobile de préfabrication, a le potentiel de réduire les temps nécessaires à la construction d’éléments complexes de bâtiments de plusieurs semaines à quelques heures », affirme ainsi Rob Francis, le directeur de l’innovation de Skanska sur le site 3dnatives.com. (3) Susceptible d’être conjugué à des technologies qui n’ont pas encore donné leur plein potentiel, le béton a donc encore de beaux jours devant lui.
 
(1) http://www.agencefrancemuseums.fr/fr/le-louvre-abou-dabi/le-projet-architectural/
(2) http://lesdit.org/article-dit/une-matiere-de-liberte/
(3) https://www.industrie-techno.com/viva-tech-comment-cybe-veut-reapprendre-a-construire-avec-l-impression-3d-du-beton.50230

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